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EMILE CLERMONT

1880 - 1916 Assassiné pour la France

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Emile Clermont est né le 15 août 1880 en Auvergne. En 1897, il prépare Normale au Lycée Henri IV à Paris. Reçu premier à l'Ecole il y entre en 1902 dans la section histoire. Il est alors titulaire d'une licence de philosophie. En 1907, il publie Rome et Napoléon III en collaboration avec E. Bourgeois puis un roman, Amour promis. C'est en1913 qu'il publie son second roman, Laure. De l'un à l'autre il a évolué. Laure traduit une difficile recherche d'absolu. Histoire d'Isabelle, roman inachevé sera publié par Grasset après sa mort en 1917, qui publiera également un récit de guerre, "Passage de l'Aisne ". Emile Clermont n'est pas totalement oublié, Amour promis a été au catalogue des Cahiers rouges de Grasset ( 1995 ). Emile Clermont avait en préparation deux autres ouvrages dont les ébauches ne seront pas publiées, un de philosophie, un autre sur la vie rurale. Mobilisé au début de la guerre, il monte au front en septembre 1914 au moment de la bataille de la Marne. Il trouve la mort par un éclat d'obus en juin 1916 alors qu'il inspecte la tranchée dont il est responsable et replace un homme trop exposé.

 

 

Bibliographie :

- Rome et Napoléon, Etude sur les origines et la chute du second empire, en collaboration avec E. Bourgeois 1907

- Amour promis 1910

- Laure 1913

- Passage de l'Aisne

- Histoire d'Isabelle 1924

Ces quatre derniers titres disponibles chez Grasset dans la collection des Cahiers rouges.

Sur Emile Clermont :

- Notice de Jean Ravennes dans le tome 2 de l'Anthologie des écrivains morts à la guerre. 1924

- Etudes et souvenirs sur Emile Clermont ( Les Amitiés - Saint-Etienne et Bernard Grasset ) 1927

avec la participation entre autres de René Gillouin et Jean Giraudoux.

- Préface de Bernard Grasset à Amour promis 1938

 

 

 

Laure. Dès la première page l'auteur entre dans une affirmation qui nous choque surtout parce qu'elle est exprimée avec une sorte de certitude intangible. Les lieux portent en eux la trace de leur charge émotionnelle. Le refus se dissout rapidement et quand il parle de ces : " Maisons anciennes aux volets un peu retombants et disjoints, châteaux solitaires dans les vallons, ..." on retrouve ces impressions que l'on ressent si souvent devant le mystère des bâtisses élevées par des hommes, chacune cachant peut-être une succession d'aventures oubliées ou dormantes dans je ne sais quel recoin de récit perdu. On se demande alors de quel coté est la vérité, de celui de ceux qui proclament la neutralité des choses et des paysages ou de celui de ceux qui voient en eux la force première responsable des aventures humaines, grandes ou petites, célèbres ou ignorées. Je ne disserterai pas ici de cette problématique, mais on ne peut pas ignorer ces sensations très vives souvent éprouvées devant une maison, une vieille bâtisse, un paysage ou un village oublié aperçus par exemple de la fenêtre d'un train et qui aboutissent ou tournent autour d'une simple interrogation : qu'a-t-il bien pu se passer ici, quels drames oubliés se sont noués et dénoués et de quelles façons en ces lieux. Cela suffit pour suivre l'auteur dans sa description introduction à son histoire. Emile Clermont était un grand, un très grand écrivain, peu importe ses idées que je ne partage pas, en littérature seules comptent la qualité de l'œuvre et de l'homme et les siennes ne peuvent pas être mises en doute. Il est très difficile de s'extraire de la lecture de ce beau livre, la phrase claire qui convient à une pensée qui traque le spirituel dans ce qu'il a de moins tangible, accroche mieux qu'un récit à suspens et l'on se prend à désirer les développements de l'âme de l'héroïne comme l'on se prendrait à suivre le cours d'une intrigue. A ce sujet, René Doumic affirmait que les romans d'Emile Clermont devaient ravir " ceux pour qui les choses de l'âme sont la grande affaire." C'est alors qu'il faut s'entendre sur l'âme car je pense y être étranger mais je suis séduit par ce récit de la vie intérieure. Si l'âme, en dehors de toute notion religieuse, est la fusion de l'esprit et de ce qu'on appelle le cœur, c'est à dire des sentiments, alors oui, je suis " pour l'âme " et si de cette fusion naît, qu'elle soit ou non religieuse, une sorte de morale propre à chaque être et qui est comme un esprit supérieur qui a intégré les sentiments pour mieux les dépasser, alors oui, encore, je suis pour l'âme et c'est de cela que nous parle Clermont et de l'homme face aux mystères de son existence. La religion peut alors devenir le nerf de cette pensée, cela n'est pas indispensable, l'éternité et l'infini peuvent ne pas y être soumis, mais à cet endroit l'athée et le religieux peuvent se comprendre car ils parlent d'une chose qui leur est commune et qui dépasse tellement les contingences habituelles. Je donne ici un extrait de ce roman : " Durant les premiers temps, elle fut courbée, accablée sous sa peine, elle s'y abandonna, elle ne pouvait regarder au delà; cette déception sans bornes embrassait tout l'avenir. Mais, peu à peu, sa noblesse d'âme innée la secourut, et pareille à un métal très pur qui ne peut rendre que de beaux sons, sous le mal qui la frappait elle n'eut plus que des sentiments de vaillance et de fierté. Ce qui, pour son cœur ardent, était impossible, c'était de subir ce désespoir indéfiniment tel quel, brutal, court, inutile, fermant l'horizon; il fallait bien que, d'une façon ou de l'autre, il devînt fécond, qu'il s'épandît en réflexions, en pensées nouvelles; et ainsi son esprit se trouva naturellement porté vers une sorte de progrès et de conquête. - Elle entra résolument dans la solitude et dans ]es voies de ]a spiritualité qui lui était propre. Ce conflit avec. la douleur la libéra d'une foule d'opinions moyennes incapables de l'aider, et, livrée à elle-même, elle céda tout entière à cet attrait de l'infini qui depuis longtemps planait aux lointains de son âme. " Laure après un parcours difficile et semé d'échec va vers une solitude dont on peut penser qu'elle est définitive seulement adoucie par la possibilité envisagée qu'un jour, quelque part, quelqu'un réussisse là où elle a échoué. Dans la critique du livre qu'il fit dans la Nouvelle Revue Française, Henri Ghéon reprocha à Emile Clermont d'avoir exploité la même situation que celle de La Porte Etroite de André Gide ( NRF septembre 1913 ). J'ai un peu le sentiment qu'au-delà de certaines similitudes de situation, le livre de Clermont peut-être lu sans que l'on pense à celui de Gide et que son grand ami se montre peut-être un peu trop " gardien du temple " dans ce reproche qui ne l'empêche d'ailleurs pas de saluer en Emile Clermont un talent sûr.

Amour promis : C'est le premier roman d'Emile Clermont, paru en 1910 chez Calmann-Lévy il fit remarquer son auteur par Barrès et Paul Bourget mais aussi par l'éditeur Bernard Grasset qui signa un contrat avec lui pour l'œuvre à venir. Elle ne fut pas importante, la guerre ne permit pas à Emile Clermont de tenir ses promesses. Amour Promis est semble-t-il moins avancé dans la vie spirituelle que le second roman de Clermont, Laure. Mais le sujet n'en est pas le même. Dans ce livre l'auteur nous livre le récit et l'analyse d'une séduction " de jeunesse ". Le narrateur aime parce qu'il se sent obligé de faire la conquête de cette belle voisine, au-dessus de sa condition mais pas inaccessible sans toujours démêler ce qui vient d'elle et ce qu'il apporte dans cette relation. C'est lui qui tient le couple au-dessus des ambitions ordinaires. Il ne sait pas prendre durablement et est tout en regard pour celle qu'il va séduire et désespérer avec un certain sadisme et un goût de la domination. C'est comme le Rouge et le Noir ou le Disciple le roman d'une séduction mais ici seule la faible nature du jeune homme que nous désignerions aujourd'hui un prédateur, est en cause. Le récit est moins intense que celui de Laure mais bien adapté au sujet et déjà conduit dans le même style impeccable. C'est ce dernier livre et non Laure que Grasset a choisi de rééditer en 1995 certainement parce que c'est aussi celui qui est le plus facilement accessible au public d'aujourd'hui peut porté vers le spirituel et peu apte à le comprendre, c'est un livre fort qui laisse un goût amer. Je donne ici quelques extraits de ce roman, d'abord le jugement lucide que porte sur le héros narrateur sa victime : " - Écoutez, dit-elle, je ne voudrais pas vous faire de peine; mais, depuis deux mois, j'ai beaucoup réfléchi, j'ai revécu en pensée bien des heures que j'avais passées près de vous , je me suis rappelée certaines paroles que vous m'avez dites ; et voyez-vous, je me suis convaincue que même s'il m'était donné de vivre avec vous, je ne pourrais jamais être heureuse ; vous ne me le permettriez pas. Ne vous défendez pas, je ne vous reproche rien, mais c'est ainsi. Il y a en vous quelque chose d'incertain et de fuyant; on dirait que vous ne cherchez partout que des occasions de faire vibrer vos pensées. J'ai bien compris par nos conversations d'autrefois ce que vous aviez voulu être, et c'est une conséquence que vous n'aviez pas prévue. Sans doute vous souhaiteriez aimer; vous avez l'air de vous livrer dans vos paroles, vous le voudriez peut-être: mais au fond vous restez attentif et glacé. Tout ce qui se passe autour de vous retentit en vous beaucoup plus encore qu'en moi; et pourtant je me demande si vous ne restez pas en dehors de ce que vous éprouvez. Même si vous aimez, il semble que ce n'est pour vous qu'un épisode, que votre vie véritable n'est point là, et cela peut-être me résignerais-je à le supporter d'un autre, mais jamais de vous. " Au moment d'aller demander cet amour promis, d'une promesse qu'il a arraché à sa victime, le narrateur, lucide, se demande : " Etais-je assez sûr de moi pour engager ma vie comme elle donnait la sienne? Mille voix me criaient que je ne le pouvais pas ; je doutais, j'hésitais, je guettais mes pensées... Mai déjà cependant j'étais sûr, absolument sûr que, quoi que j'eusse craint, décidé, tenté, d 'ici là, à l'heure dite j'irais lui réclamer sa promesse. "

M à J 26 août 2006

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