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ISMAIL KADARÉ

1936 -

Écrivain albanais

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Œuvres en 12 volumes chez Fayard        Bibliographie

Écrivain albanais, Ismaïl Kadaré est un parfait francophone. Citoyen de la petite Albanie, il est un des écrivains les plus importants de notre époque et de la seconde partie du vingtième siècle. L'essentiel de son œuvre a été écrit et publié sous la tyrannie communiste particulièrement dure dans ce petit pays aux voltes-faces dangereuses, commandées par les événements extérieurs, entre l'URSS, la Yougoslavie voisine et la Chine de Mao dans une zone où les Anglais ne manquèrent pas d'intriguer après la seconde guerre mondiale. L'œuvre de Kadaré est profondément marquée par le climat des dictatures, l'Empire Ottoman servant souvent de cadre pour des situations qui présentent des similitudes avec le régime communiste. L'auteur ne se limite pas à ces pays, l'Egypte par exemple, celle des pharaons, est ainsi le cadre du roman La Pyramide. Certains contes sont ancrés dans le passé légendaire albanais. Kadaré exploite également des mythes et des légendes en les insérant dans un quotidien très réaliste.

Ismaïl Kadaré est né le 28 janvier 1936 à Girokaster "la ville de pierre", c'est également dans cette ville qu'est né en 1908 Henver Hodja qui fut le tyran communiste de ce petit pays.

Le style de Kadaré, les récits présentés sous une forme impersonnelle même à la première personne, témoignent de la contrainte absurde des oppressions. Une sorte de dépersonnalisation en ressort, la contrainte permanente sous laquelle l'œuvre a été produite aura amené à une sorte de subversion du fameux "réalisme socialiste" et cela sera bien la seule fois qu'une œuvre remarquable apparentée de façon si particulière à ce courant de non-pensée nous aura été offerte.

Aujourd'hui, Ismaïl Kadaré vit à Paris.

 

 La Discorde (2013)   

Avant de dire qu'un objet littéraire est unique je dois confesser mon ignorance d'autodidacte qui ne connaît pas tout, "tout" étant la partie des choses que connaissent ceux qui ont étudié et, bien entendu, absolument pas "tout" ce qui est impossible. Ismaïl Kadaré écrit ici une étude de l'histoire des mythes albanais ou une histoire de l'Albanie au travers de celle de ses mythes et cela, décidément nous rappelle ses romans. L'Albanie, pays perdu aux confins de l'Europe ? Non, face à l'Italie, Mussolini, ce César d'occasion en profita pour l'annexer, en dessous la Serbie qui en profita pour annexer sa province du Nord-est, le Kossovo, dans la péninsule Balkanique, dont sous le joug Ottoman durant plus de quatre siècle et, comme si cela ne suffisait pas, s'infligeant à elle-même une dictature communiste dure et aveugle. L'Albanie pour qui l'Europe fit la guerre aux Serbes et qui jouit aujourd'hui de deux états tout en frappant en vain à la porte de cette Europe dont on peut se demander s'il est bon d'y être acceptée tant elle ruine ses membres sous une politique économique et financière imbécile et profondément antisociale alors même qu'elle n'est pas du tout démocratique. En Albanie il y aurait entre autre force obscure la mafia des anciens communistes, toujours présents comme dans d'autres pays de l'Est, toujours active comme les nazis le furent en Allemagne au lendemain de la guerre, comme les collabos le furent en France au point que leurs enfants sont aujourd'hui le plus souvent au pouvoir. Hymne, héros, drapeau, Turcs en embuscade, l'Albanie échappe aux guerres de religions malgré ses trois confessions, elle aurait même réussi comme le petit Danemark, à protéger sa minorité juive durant la guerre, ce n'est pas là un mince mérite. Nos joyeux salves du sud, ne se sont pas privés, eux, de faire parler leurs fois en s'entrégorgeant dans la meilleure des traditions, pour l'honneur de leur Dieu (ils n'en ont en effet qu'un). Ce livre se lit avec intérêt, il ne faut pas négliger les 107 notes en fin du volume, complément nécessaire du texte. Les anciens-communistes albanais de Kadaré ne sont pas sans faire penser aux anciens libérateurs (les combattants du FLN) algériens de Tahar Djaout dont j'ai lu les Vigiles à la suite, même si leur motivation n'est pas tout à fait la même. La Discorde n'est pas un livre d'histoire mais une sorte de pamphlet, original, qui nous dit l'Albanie d'aujourd'hui. L'histoire des mythes, plus que la simple histoire, reflète les adaptations successives de l'histoire aux besoins et aux pensées dominantes des peuples. Les errements albanais autour de Skanderberg ne sont pas sans rappeler la double face de Bertrand du Guesclin, le Connétable héroïque des Français ou le traitre des Bretons, mais dans ce cas, il y a constance du double regard.

"D'habitude , c'est aux petits matins de la libération que se règlent les comptes, que se soldent les rancunes, que se donnent libre cours les envies. Les Balkaniques sont réputés pour de tels défoulements." p 84 Comment ne pas penser, nous, Français, aux 70 000 morts assassinés par l'armée des lâches Versaillais, plus fière dans cet exercice que face aux Prussiens ou aux 60 000 à 110 000 morts de la libération en 1945 dont le souvenir même est nié, occulté derrière une petite affaire de femmes tondues, ou encore, plus près de nous, aux milliers de soldats français abandonnés aux tueurs du FLN en Algérie en 1962 (100 000 à 200 000 morts qui forgeront à Jeannette Bougrab, peu rancunière une âme de droite ?)  "Etait-il en train de soustraire la petite nation à la vieille haridelle afin de lui offrir un nouvel abri, ou seulement une nouvelle solitude?" p 214  "Après six cents ans de perversions, il n'est plus permis à aucun des peuples de la péninsule de se berner en se posant en ange et en peignant les autres en démons. Ces fausses représentations ont enfanté de fausses doctrines et celles-ci ont instillé le poison dans les consciences de plusieurs générations." p 271  

 

 La Provocation et autres récits (2012)

Plusieurs récits dont celui qui donne son titre au recueil, témoignant de l'univers glacé des pays totalitaires dans lequel les hommes sont dépossédés de leur destin. Albanie communiste ou Empire Ottoman, le climat est le même. J'ai particulièrement aimé la Provocation et le Rapport secret. Le Mariage du serpent nous emmène dans le monde des légendes ou il n'est pas bon de vouloir se libérer des sortilèges. Dans chacun de ces deux récits, les héros se posent les mêmes questions sur ce qui est "bien", ce qui est bien étant défini par une puissance occulte et lointaine dont on ne saurait prédire les motifs ni les buts, mais qu'il faut s'efforcer de deviner pour la simple sauvegarde. La Provocation nous montre des hommes livrés à eux-mêmes dans un contexte marqué par la haine collective et la méconnaissance de l'autre, distillés par les régimes autoritaires. La Provocation est une sorte de jeu, un rituel orchestré ailleurs, un jeu rituel qui peut devenir dangereux. Plus que jamais ses héros sont dépossédés de leur destin dans des contextes qui les dépassent et les écrasent.

Tout le monde estime que la première condition pour contraindre l'esprit est la crainte du châtiment. Cela joue bien évidemment un certain rôle. Sans la peur, rien n'advient en ce bas monde. Seulement, pour que l'esprit devienne vulnérable à la peur, il faut le travailler longtemps, patiemment. " p 105

 Le diner de trop (2009)

Ce livre doit être le premier livre écrit dans une autre langue que le français que je commente. C’est que je me suis rendu compte que pour que la lecture d’une œuvre ait un sens, il faut qu’elle soit faite dans la langue de l’auteur. Dans une traduction, on lit le traducteur et sans vouloir vexer ces derniers on ne livre son être intime dans une œuvre que lorsqu’on l’écrit, le plus doué des traducteurs n’entre pas dans l’être de l’auteur, tout au plus peut-il se substituer à lui comme Baudelaire traduisant Poe ou Vialatte Kafka. Avec Kadaré, le problème se pose différemment. Kadaré est un auteur de légendes, il nous mène dans le mythe, tout acte quotidien se transforme en effet sous une sorte de souffle à la fois épique et dérisoire en un épisode de l’éternelle histoire du monde, plongeant ses racines dans les temps immémoriaux. Le ton est « détaché », apparemment neutre comme il convient au ton du conteur qui dit un chant des origines, dans la dimension historique au sens de l’Iliade. A condition de respecter ce ton, on peut traduire Kadaré, d’ailleurs en ce qui nous concerne, lecteurs français, nous avons le privilège d’être en présence d’un écrivain parfaitement francophone – j’ai entendu Kadaré s’exprimer en français, mieux que les salonnards et salonnardes qui l’interrogeaient et l’accablaient, à la suite d’une conférence, de questions stupides auxquelles répondait la lecture du moindre de ses livres. Un auteur francophone qui revoit – s’il n’y a pas renoncé – les traductions de ses œuvres. Le diner de trop est donné dans la ville de pierre, Gjirokastër, à laquelle Kadaré a déjà consacré un livre et un album. Dans cette œuvre l’auteur mêle un « présent » entre dictatures toutes aussi sottes et odieuses et le passé avec ses légendes mais aussi ses phantasmes qui flottent dans les têtes, s’accrochent aux actes de la vie, font l’irrationnel sur la folie. L’Albanie et la Ville sont omniprésentes dans ce roman comme dans presque toute l’œuvre de l’auteur.

Ismaïl Kadaré n’a pas encore reçu le prix Nobel. On se demande ce qui retient les jurés du prix dynamite ! J’espère que cet oubli inexplicable – il n’y avait vraiment pas urgence à décerner certains prix – n’est pas lié à l’agression d’un petit con, sur un plateau de télévision, dont Ismaïl Kadaré fut une victime étonnée, le mot est faible. Bernard Henri Lévy – c’est bien lui ! – reprochait, le cul au chaud dans son fauteuil de parisien aisé, qui n’a rien fait pour le mériter, ayant abandonné depuis peu sa dépouille de maoïste comme ses congénères qui ne dénoncèrent le communisme qu’avec quarante ans de retard, - ils n’avaient pas lu ou pas compris Serge, ni Koestler, ni Istrati, ni même Gide, mais seulement ce vieux noircisseur de pages, incontinent : Sartre, qui vaticinait en gauchissant, dans les années gâteuses de sa carrière - B.H.L. reprochait à Kadaré … d’être né dans un pays totalitaire et de parvenir à écrire. Au nom de quelles compromissions ? semblait interroger ce minable bateleur de foire de bas alois, qui, lui, n’avait eu besoin d’aucune contrainte pour se vautrer dans l’abominable. J’ai un profond mépris pour les intellectuels parisiens, race de dégénérés, de faiseurs de mots qui a toujours raison même au plus profond de l’erreur ou de l’horreur. Mais, quand de plus, on a affaire à un ersatz ! Tous les défauts de l’original plus ceux de l’imposture ! Un produit de cette télévision culturelle qui produit également Secret Story et autres merdes du même genre ! Il serait trop triste pour eux et pour eux seulement que les jurés du prix Dynamite se laissent encore influencer par de tels oiseaux. Mais on se consolera en se disant qu’il est souvent plus honorable de ne pas recevoir les prix que de se les voir attribuer et ne pas être discerné par un jury de lâches et de sots n’est pas une plaie mortelle.

 Un climat de folie, La Morgue et Jours de beuverie. (2005)

Trois courts romans de ce très grand auteur d'un petit pays aux confins idéologiques de l'Europe. Ismaïl Kadaré, une fois de plus, nous parle de cette voix unique et nous subissons l'envoûtement d'histoires qui, bien que situées avec exactitude, semblent appartenir à tous les temps si ce n'est à d'autres mondes qui éveillent d'innombrables échos en nous. Il en est toujours ainsi avec ce magicien héritier de Homère et des vieux conteurs. Un petit livre qui fera beaucoup pardonner à un éditeur qui, cette saison, nage dans le ridicule franchouillard. Fayard €17 - août 2005

 

 Bibliographie :

                    

- Le Général de l'armée morte, roman, Albin Michel, 1970.

- L 'Hiver de la grande solitude, roman, Fayard, 1978 ; nouvelle édition 1999.

- Le Crépuscule des dieux de la steppe, roman, Fayard, 1981.

- Le Pont aux trois arches, roman, Fayard, 1981.

- Avril brisé, roman, Fayard, 1981 ; nouvelles éditions 1997,2001.

- La Niche de la honte, roman, Fayard, 1984.

                      

- Les Tambours de la pluie, roman, Fayard, 1985 ; nouvelle édition 2001.

- Chronique de pierre, roman, Fayard, 1985 ; nouvelle édition 1998.

- Invitation à un concert officiel et autres récits, nouvelles, Fayard, 1985.

- Qui a ramené Doruntine ?, roman, Fayard, 1986.

- L'Année noire, suivi de Le cortège de la noce s'est figé dans la glace, récits, Fayard, 1987.

                                    

- Eschyle ou le grand perdant, Fayard, 1988 ; nouvelle édition 1995.

- Le Dossier H., roman, Fayard, 1989.

- Poèmes (1958-1988), Fayard, 1989; nouvelle édition 1997.

- Le Concert, roman, Fayard, 1989.

- Le Palais des rêves, roman, Fayard, 1990.

- Le Monstre, roman, Fayard, 1991.

- Printemps albanais, Fayard, 1991.

                             

- Invitation à l'atelier de l'écrivain, suivi de Le Poids de la Croix, Fayard, 1991.

- Entretiens avec Eric Faye, José Corti 1991

- La Pyramide, roman, Fayard, 1992.

- La Grande Muraille, suivi de Le Firman aveugle, récits, Fayard, 1993.

- Clair de lune, récit, Fayard, 1993.

- L'Ombre, roman, Fayard, 1994.

                             

- L'Aigle, récit, Fayard, 1996.

- Les Adieux du mal, récit, Stock, 1996.

- Spiritus, roman, Fayard, 1996.

- Le Firman aveugle, Stock, 1997.

- Le Concours de beauté masculine, Stock, 1998.

- Trois chants funèbres pour le Kosovo, récits, Fayard, 1998.

- Mauvaise Saison sur l'Olympe, théâtre, Fayard, 1998.        

- Novembre d'une capitale, roman, Fayard, 1998.

                          

- Il a fallu ce deuil pour se retrouver, Fayard, 2000.

- Froides Fleurs d'avril, roman, Fayard, 2000.

- L'Envol du migrateur, roman, Fayard, 2001.

- Vie, jeu et mort de Lui Mazrek, roman, Fayard, 2002.

- La Fille d'Agamemnon, roman, Fayard, 2003.

                                         

- Le Successeur, roman, Fayard, 2003.

- L'Albanie entre la légende et l'histoire Actes Sud 2004 (En collaboration avec Gilles de Rapper)

Un climat de folie, suivi de La Morgue et Jours de beuverie, trois micro-romans, Fayard, 2005.

- Dante, l'incontournable, essai, Fayard, 2006.

- Le Firman aveugle et autres romans courts, Fayard, 2007.

- Hamlet, le prince impossible, essai, Fayard, 2007.

- L'Accident, roman, Fayard, 2008.

- Le Dîner de trop, roman, Fayard, 2009.

- L'Entravée, roman, Fayard, 2010.

 - La Provocation, Fayard 2012

- La Discorde, Fayard 2013