ANATOLE FRANCE
1844-1924

- Repères Biographiques
Nouveau : ANATOLE FRANCE - LES ŒUVRES
Nouveau : UNE "PETITE HISTOIRE" DE NATIONALISTES
LA PRESSE ET LA MORT D'ANATOLE FRANCE
La Morale et la Science (Texte)
A consulter la thèse de Boris FOUCAUD :
p://mapage.noos.fr/borisfoucaud/afrance/index.htm
(A ce sujet voir Actualités Franciennes)
ou Nationalisme littéraire ou Anatole France et le scepticisme et la tradition de Guillaume Métayer
Messagerie : bourgeois.andre@9online.fr ( Français seulement, les pièces jointes ne sont jamais ouvertes. )
Si j'étais insolent, je dirais d'Anatole France : un grand écrivain méconnu. En effet méconnu sur la toile. Celui qui fut une institution de son vivant, qui, mort, fut traité en symbole de réprobation par des ennemis peu scrupuleux : les surréalistes qui, prêts de l'adorer, le brûlèrent parce qu'il manquait de chaleur vis à vis de l'URSS concentrationnaire, ne figure pas en effet à l'affiche de nombreux sites comme certains écrivains de moindre importance. C'est ce qui m'a incité, modeste lecteur, certainement pas le plus compétent à l'évoquer sur mon site en quelques pages. Anatole France est un écrivain qui procure au lecteur raffiné un plaisir rare ; un philosophe, je préfère : un sage, dont la lecture est riche d'enseignements, enfin, un humoriste assez féroce.
Celui dont Gide disait un peu vite qu'il manquait d'inquiétude, a été de ceux que l'avenir inquiétait assez avant 1914 pour qu'il voit monter avec angoisse la guerre dont il pressentait qu'elle serait féroce et qu'elle ne serait pas la dernière. Je ne pense pas que Gide en ait été conscient.
L'ami de Zola de qui il se rapprocha lors de l'Affaire, assassiné, de Jaurès, assassiné, ne se faisait pas d'illusions sur la férocité des nationalistes qui ouvraient la boucherie de 1914-1918 par des crimes privés. Anatole France, dont je parle en lecteur, pas en spécialiste, est avant tout un homme mesuré dans le ton pas forcément dans les idées, ce qui ne signifie ni médiocre, ni indifférent ; un observateur, moins dolent qu'on ne le pense, des hommes et de son temps. En tant qu'auteur, il est un de ces conteurs qu'on ne quitte qu'avec regrets.
Pourquoi
ne lit-on plus Anatole France ? Une seule raison suffirait, il y en a
peut-être deux. Son classicisme de ton, de ton seulement, le fait désigner par
les scribouillards comme anachronique. Il l’est effectivement … pour eux !
La seconde est qu’il est trop dérangeant. En relisant les pages qui vont
suivre, en retrouvant les citations dont elles sont émaillées, je me suis rendu
compte combien ce philosophe romancier était décapant ! Moderne
diraient les idiots qui se gargarisent de ce terme. Moderne parce que nombre de
ces citations sont de pleine actualité encore aujourd’hui, qu’elles disent ce
qu’il ne faut pas dire ! Que les impostures de nos gouvernants et
prêcheurs de bonnes paroles à bon marché n’y échappent pas ! Ni la droite,
ni la gauche, ne peuvent accepter cet auteur qui sous un ton badin leur envoie
à la figure leur réalité insupportable. Le philosophe est de surcroit
accessible ! Quelle outrecuidance ! Ne pas envelopper son discours
comme Monsieur Sartre par exemple, le philosophe de l’erreur promue en vérité,
par des formules absconses, ne pas noyer ses affirmations sous des torrents de
mots, dont des termes allemands soi-disant « intraduisibles », des
délires de gloses qui en écartent tout lecteur de bonne volonté !
L' Histoire Contemporaine est une œuvre beaucoup plus sérieuse que les paisibles discours de Monsieur Bergeret et de ses quelques interlocuteurs préférés peuvent le laisser penser. Anatole France, classique moderne, homme de gauche, il a été presque revendiqué par une certaine droite élitiste où l’on pensait qu'un homme qui écrit si bien ne peut être que de ce côté, le style faisant alors l’idée à moins que l’on espère qu’il l’efface. On a écrit des ouvrages sur ce thème. Il a refusé de s'aveugler sur une période qu'il connaissait bien pour en avoir vu les derniers témoins et avoir eu entre les mains maints documents la concernant, chez son père le libraire spécialisé dans la Révolution. Il a décrit dans Les Dieux ont soif, cette période et démonté la façon dont l'engrenage entraine au crime ceux les champions de la Vérité – celle qui ne peut être que leur Vérité ! Il a à cette occasion fustigé Rousseau, responsable de cette illusion : l'homme bon perverti par la société et réformable. Dans l'Ile des Pingouins, il a retracé une Histoire de France en marge de celle de l'imagerie d'Épinal qu'on enseignait à l'époque où on enseignait quelque chose dans les écoles de la République. Il s'est amusé dans La Révolte des Anges, conte moral où nous voyons Lucifer triompher de Dieu avant que de retourner aux enfers pour arrêter la spirale guerrière.
La Rôtisserie de la Reine Pédauque, Le Jardin d'Epicure, Sur la Pierre Blanche, les livres de souvenirs à peine déguisés, Le Petit Pierre, Le livre de mon ami, et d'autres œuvres de lui peuvent être des moments privilégiés de lecture.
Anatole France, institution de son vivant eut l'imprudence de ne pas se lancer assez fermement dans la littérature guerrière au début de la guerre de 14-18, les imbéciles qui lisaient Barrès et Maurras, vinrent casser ses carreaux et il fut contraint de s'expliquer, ce qu'il fit assez fièrement pour que cette lie nationaliste lui foute la paix. Comme je l'ai déjà écrit, Anatole France, fort impressionné par la mort « sous le couteau » de ses deux amis célèbres, ne se faisait aucune illusion sur cette clique nationaliste qui se repaissait de la mort de centaines de milliers d’hommes, de millions d’hommes !
Anatole France recevait volontiers, il était un brillant causeur et, après sa mort, plusieurs livres de souvenirs, de propos rapportés, furent publiés le concernant, dont le célèbre Anatole France en Pantoufles dont le titre, mal compris, il ne signifiait qu’Anatole France Intime, a certainement nuit à l'image de l'auteur.
Il sera certainement de plus en plus difficile à l'homme d'aujourd'hui de comprendre quelle place pouvait occuper un écrivain comme Anatole France dans la France de son époque. L'actualité médiatique qui nous tire chaque jour un peu plus bas fait chez des guguss vulgaires et médiocres tels Ardiçon (la Cédille parce qu'il s'en est fallu d'une cédille ...) et son compère, des célébrités de carton pâte avec des écrivains de troisième zone ou des penseurs de prisunic tel Bernard Henri Levy, qui viennent débiter de pontifiantes âneries sur les ondes troubles, on les oublie ou on le voudrait encore plus vite qu'on essaie de ne pas les entendre, la scène est alors libre pour le pire, des montreurs de culs, des chanteurs baragouineurs sans musique, des politiciens au rabais et en solde, des évêques sans fidèles et sans curé, des imans vitupérateurs et toute une foule qui s'échelonne du pire au néant, la littérature sur les ondes de la célébrité de pacotille est représentée par les mémoires du glauque et de l'insipide gribouillées par les nègres patentés, qui n'a pas été violé à six ans, n'est pas le fils caché d'un filou célèbre, ou le dégueulis du dernier hoquet d'un alcoolique qui eut son heure de gloire ancienne, n'a aucune chance de se faire entendre quelques secondes, s'il ne tue pas sa mère ou sa fille, sa femme ou son père après ou au milieu des pires horreurs! La démocratie évidemment meurt de cette saleté qui pollue les esprits et défait les institutions. A l'époque d'Anatole France, elle se faisait dans les durs combats menés contre un vieil obscurantisme qui avait perdu ses dents mais pas tout son pouvoir de nuisance qu'on nous demande aujourd'hui de traiter avec tolérance - tolérance, oui, mais en n'oubliant pas -. Les esprits les plus fins avaient seuls ou presque le pouvoir d'accéder à la vraie célébrité, il y fallait du talent et parfois plus. L'esprit régnait et l'on n'y incluait pas de grossières plaisanteries de mauvais collégiens de quarante ans ! Anatole France exerça une véritable fascination sur tout ce qui comptait à son époque par la finesse de son esprit, la qualité de sa langue, l'immensité de sa culture, son constant combat pour la liberté et, chez ceux qui partageaient ses opinions de plus en plus marquées par sa vision du monde, de l'homme et de l'humanité. Nombre de clowns sinistres qui font leur numéros dans les médias - comme médiocre - après avoir sniffé de la cocaïne - dernier recours pour attraper un peu d'esprit - se disent royalistes comme si au fin fond de leur connerie ils sentaient que seul ce régime pourri hérité d'un passé voué au Dieu guerrier et intolérant pouvait les justifier. Ainsi ce qui n'est qu'une pose d'imbéciles devient un symbole.
Anatole France recevait volontiers, il était un brillant causeur et, après sa mort, plusieurs livres de souvenirs, de propos rapportés, furent publiés le concernant, dont le célèbre Anatole France en Pantoufles dont le titre, mal compris, il ne signifiait qu’Anatole France Intime, a certainement nuit à l'image de l'auteur.
On a souvent fait à Anatole France le reproche d'intellectualisme, d'être livresque, c'est à dire d'être hors la vie. Rien de plus faux. Il a été avant tout un homme de grande culture, il a sans cesse restitué cette culture dans ses ouvrages, mais pas à la façon de nombreux écrivains cultivés qui ne font qu'étalage de leur savoir. Anatole France a animé son œuvre, l'a enrichie, nourrie de cette immense culture. Il en a joué, il l'a mise en perspective à diverses occasions, elle a marqué son regard sur le monde en le relativisant, en l'amenant à passer derrière le miroir. Ses personnages ne sont pas superficiels mais, par exemple dans les Dieux ont soif, ils sont nourris des idées de leur temps. Á quoi peut servir le roman historique si ce n'est à nous faire découvrir les idées et la façon de vivre d'une époque plus que les événements que l'on peut toujours trouver ailleurs ? Les Héros des Dieux ont soif ou de Crainquebille n’avaient pas le loisir du nombrilisme qui génère l’angoisse d’un Gide !
Aujourd'hui, des œuvres d'Anatole France sont disponibles dans l'Édition en 4 volumes, de la Pléiade[1] chez Gallimard. Cette édition n'est pas complète, elle ne comporte ni la Vie Littéraire, ni Trente ans de vie sociale, ni la Vie de Jeanne d'Arc, ni les recueils de poésies ou le Théâtre et pas le Jardin d'Épicure.
[1] Il convient de rendre hommage au travail remarquable de Marie-Claire Bancquart dans la présentation et annotation de l'édition pléiade, certainement un des meilleurs appareils critiques de cette collection.