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MARCEL JOUHANDEAU

Guéret 1888 - Rueil-Malmaison 8-4-1979

 

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Bibliographie

                Page en construction                        Jouhandeau, Dieu et Satan

Dédicace de Cocu, pendu et content à Jean Béchade

Le 26 juillet 1888 à Guéret, naît de Pierre Jouhandeau, âgé de vingt-huit ans, et de Anne-Alexandrine Blanchet, vingt-sept ans, Marcel Henri Paul Jouhandeau.

Ecrivain très original, Marcel Jouhandeau n'a jamais cessé, tout au long de plus de cent titres, de la Jeunesse de Théophile au vingt-huitième volume des Journaliers, de parler de lui en montrant les autres. Chaminadour fut le cadre et ses habitants les modèles de ses premiers opus. Il y fera des retours au fil de l'oeuvre jusqu'à un âge avancé.

Très moderne en ce qu'il s'intéresse aux particularités révélatrices des êtres, à leur mystère, notre époque ne fait que cela, il est en même temps tout à fait d'un autre temps parce qu'il accepte le monstrueux - le décalé - comme une chose naturelle, comme le signe ou la cause du mystère tout en n'essayant pas d'en faire comme notre époque débile une normalité. Décalé également comme tous les écrivains qui écrivent bien parce qu'ils emploient notre langue en donnant aux mots leur poids de sens, sans l'écorcher au nom d'un de ces styles, simples répétitions d'artifices affligeants, qui ne sont plus que la bouillie à cochons des médiocres et des pédants permettant aux scribouillards et aux médiamerdiques de s'extasier quand ils assurent la promotion de ces savonnettes littéraires.

Elevé jusqu'à l'âge de neuf ans par sa tante Alexandrine dans la boulangerie de sa grand mère Blanchet, la mort de cette tante ( Tante Ursule de la Jeunesse de Théophile ) le ramènera à la boucherie paternelle où la grand'mère maternelle remplacera Tante Alexandrine. Dans ce premier livre, Jouhandeau nous présente également les deux personnages étrangers à sa famille qui vont marquer sa jeunesse, Jeanne, soeur Marie des Anges et madame Alban ( Madame Caron ) vieille folle de la prêtrise de l'emprise de laquelle il aura quelques difficultés à se sortir.

Tante Ursule, Grand'mère Briochet, Jeanne - Marie des Anges -, Madame Alban, Théophile comme Marcel est la proie des femmes autant que l'objet de leurs attentions :

La jeunesse de Théophile ( 1921 ) par exemple, est une relation de sa jeunesse par l'exposé de faits et de personnes vus et mis en interrogation par un enfant. Le style de Jouhandeau en phrases courtes et vives, qui imprime au texte et aux idées une cadence soutenue, permet de " faire passer " ce qui pourrait ailleurs fortement lasser tandis que le découpage du texte en notes - chapitres assez courtes empêche le lecteur soit de reprendre son souffle, soit de continuer sa course l'obligeant à des poses et des relectures presque sans nécessité. Certains de ces chapitres de quelques lignes sont des petits chefs-d'oeuvre tels que La petite fille noble, la Mort et le Verbe aimer qui se suivent. (pp98-100)*1. Le moraliste perce sans cesse derrière le chroniqueur, sans lancer de préceptes, simplement en suggérant ou en faisant des rapprochements qui incitent le lecteur à développer. Certains tableaux sont très visuels et très forts tels Mademoiselle Duranton et sa chèvre, la chèvre, c'est sa mère, la folle c'est la demoiselle, quand la mère meurt, on s'aperçoit que la demoiselle est folle, elle remplace la mère par un chevreau et va chanter à contretemps dans l'Eglise suivie de l'animal. Tout cela n'occupe pas deux pages. Jouhandeau parvient dans ce livre à restituer le regard de l'enfant sur ce monde qui l'entoure, un regard crédible où l'étonnement restitue le regard de l'ignorance avide de découvrir, ce faisant il produit un décalage qui donne un éclairage particulier à ce que l'on nous montre et souligne l'impact impossible à mesurer de nos comportements quotidiens sur le développement de l'enfant qui découvre le monde. Les patronymes sont choisis avec soin que ce soit les Briochet ou les Brinchanteau, ils seront ainsi toujours dans l'oeuvre tels qu'ils nous ancrent dans le passé semblant donner à la langue une richesse nouvelle. Dans ce livre Satan est aussi présent que Dieu. Sa cathédrale, la forêt avec " ses fûts de colonnes gigantesques " abrite : " mille pattes velues, hagardes et toutes les bouches des êtres " qui " le sollicitaient sous une seule feuille d'acacia ". Dieu est là mais : " le Dieu des prêtres et de Jeanne demeurait comme incompréhensible. Mais les prêtres et Jeanne lui paraissaient seuls dignes de s'occuper de son esprit et de prendre sur leurs genoux son corps. " Tout l'intéresse peut-être parce que tout le concerne, ainsi : " Théophile se prit à aimer passionnément un jour le petit coin de la rue où il était né. Il en connaissait toutes les pierres et leur secret. Chaque porte s'ouvrait pour lui sur un mystère original, douloureux ou joyeux, devant lequel il avait à se recueillir. Chaque fenêtre, le soir projetait sur sa face, quand il passait, la lumière d'une lampe dont l'éclat lui était aussi précieux et bienfaisant que celui des étoiles. Chaque voisin, blotti dans son galetas ou freluquet sur le pas d'une porte, représentait un esprit bon ou mauvais qui aurait influence sur toute sa vie et sur sa mort. " Comment dès lors ne s'occuperait-il pas, sa vie durant, de ceux qui ont une telle influence sur lui ? " Il songea que le bonheur est inaliénable, qu'il se tient dans la suprême pointe de l'esprit où nous tenons à Dieu. " Rien de moins chrétien que cette notion du bonheur, dans cette page, Dieu, elle touche presque à un moment au rêve du grand Tout dans lequel chaque individualité serait accueillie ou retournerait au final pour se terminer sur l'appropriation de Dieu, du Dieu de Jeanne, par Théophile. " Dieu en Théophile eut une grande pitié d'elle. " Il faut également s'attarder sur le Voisinage où Jouhandeau nous parle si bien de ces communautés de fait qu'il crée. Du point de vue de la religion, le bonhomme Bethléem dit de Jouhandeau : " Cet auteur s'attarde à des quintessences d'analyse et mêle dans ses romans intoxicants, la brutalité et la mystique, le péché charnel et les sérénités de l'extase, les horreurs de sabbat et les cérémonies pieuses, les sarcasmes ingénus, les blasphèmes et les effusions saintes. Nous ne citerons aucun titre. " Il faut avouer qu'il a bien vu ce que contient le simulacre religieux de Jouhandeau qui pourrait bien être une dérision en forme de : " Voilà ce que vous enseignez ! Voilà l'effet produit par vos fastes et vos catéchismes, par vos enseignements et vos menaces ..." Il y a chez Théophile-Jouhandeau un toujours plus, un pied de la lettre, qui est une satyre efficace. Jouhandeau se fait croyant de l'extrême - pas fanatique - et devient une sorte de dérision du dévot. Il applique sans nul doute à la religion le regard porté sur le monde, plus l'objet est absurde, plus le regard est efficace. " Seigneur, si je dois me perdre, que ce soit pour devenir le pire, s'il le faut, mais du moins le plus sincère des pires. " (p173) Sans avoir recours à Dieu, dans le moindre détail rode la dérision, une dérision qui n'est qu'observation : " Théophile était frappé surtout par une Sainte Marthe hissée sur le dos d'un dragon parmi les géraniums. " (p176)  Les géraniums réduisent inexorablement à la dérision la situation de la sainte qui chevauche le dragon ... le dragon des ... géraniums ! Parle-t-il d'un Christ aux anges de Théophile qu'il nous dit dans la phrase suivante que " Théophile " était aux anges " avec ce Christ. " Nous parle-t-il du paradis que c'est pour nous révéler tout aussitôt " comme en un paradis où il ne désirait tout de même pas demeurer. " (p177) Jouhandeau moraliste perce en Théophile dans le regard porté, la moindre observation peut entraîner une réflexion significative telle que, au sujet du cimetière : " Ceux qui se sont franchement haïs leur existence entière s'en viennent dormir côte à côte. Cinquante centimètres de terre les séparent. Quand sonnera la trompette de l'Ange, ils seront les premiers à se voir. Est-ce que la haine aussi ressuscitera ?" (p180) Jeanne, soeur Marie des Anges pour qui Jouhandeau a eu une amitié forte accompagne Théophile et est le pivot de la seconde partie du livre où elle entre en scène dans une évocation romantique qui ressuscite les émotions et émerveillements d'enfance. On pourrait reprocher à celui qui se risque à commenter ce livre bien des oublis, c'est qu'il s'agit d'une très grande oeuvre qui, sous sa discrétion apparente, cache une incroyable richesse. La Jeunesse de Théophile est peut-être le livre qui m'a donné le plus de plaisirs de lecture, des plaisirs de toutes sortes, de la langue, de l'ironie, de l'évocation et de l'analyse, du romantisme puissant de l'enfance et de ses émerveillements. Moins forte que les deux premières, la troisième partie est consacrée à Madame Alban et nous donne une idée de l'enfermement spirituel de l'enfant dans laquelle se confirme une originalité qui en fera un observateur solitaire. Dieu par lui, reconnaît la comédie qu'Il se donne. Il est certainement le plus " français " des livres de son époque à la fois moderne, fortement original et lié à plusieurs traditions. Le Monde s'offre à Théophile et le regard de Théophile occupe et recrée le Monde qu'importe s'il s'arrête pour l'heure à Guéret puisque alors Guéret devient le Monde ! Haut de page ou Bibliographie

La jeunesse de Théophile est la clé de l'œuvre à venir, pas la peine d'essayer d'entrer en Jouhandeau par une autre porte, celle-là est essentielle qui nous trace le parcours d'une enfance. On a souvent accusé Jouhandeau d'égocentrisme, c'est faire preuve d'une légèreté et d'une méconnaissance de l'œuvre. Jouhandeau parle toujours de Dieu, mais son Dieu est le plus souvent incarné dans la créature, en cela il serait un hérétique partant de ce passage de la Genèse qui nous dit que Dieu a créé l'homme à son image, pourquoi dès lors aller le chercher ailleurs ? Il est partout autour de nous, en plusieurs milliards d'exemplaires. Jouhandeau se contente de moins, Chaminadour, Galande et un petit coin de Paris lui donnent ses incarnations et il va les chercher dans leur mystère. Qui a regardé le monde avec l'indulgence de celui qui sait que chaque être est voué à sa folie, parce qu'il a reconnu la sienne propre, comprendra Jouhandeau et donnera leur juste prix à ses terribles représentations d'un monde unique fait de personnages uniques qui, jamais, ne sont loin de l'universel. La Comédie humaine de Balzac était une comédie notariée d'état civil, celle de Jouhandeau est fantasmatique, magnifique, folle, hallucinée, elle est écrite avec un bonheur qui ne se dément jamais, c'est un miracle constant que de retenir le lecteur dans ces visions, pour qui y pénètre difficile d'oublier.

Les Pincengrain ( 1924 ) : C'est maintenant la famille de Véronique que nous présente Jouhandeau. Le père, gênant, est rapidement évacué, maire de sa commune, abandonné à sa servante, Gerboise. Les trois filles et madame mère, silencieuses, montent à Paris où Prisca, rencontre Monsieur Godichon et l'épouse. Le passage de La jeunesse de Théophile aux Pincengrains est marqué par la disparition du regard de Théophile, on s'était habitué à voir le monde par ses yeux, il va falloir le voir par ceux du conteur, Marcel. Le chapitre X de la seconde partie est à lui seul un petit chef d'oeuvre de malignité. Jouhandeau y fait sentir la relation de Godichon et des femmes Pincengrains la sienne exceptée avec une vérité forte et la neutralité de l'observateur de l'inévitable. Godeau, figure de Jouhandeau, apparaît à la suite. Quand, derrière ses persiennes fermées, levant le nez de son livre de philosophie et de son livre de religion, il voit Elianne que lui promet Madame Godichon, " Il lui reconnaît la chevelure d'or d'Aphrodite, mais les pieds lourds d'une chrétienne ". (p252) Quand Jouhandeau dit de Godichon : " Le christianisme l'intéressait moins que la discussion et Godeau l'exaspérait plus que le christianisme. " 0 combien de " discussions " ne pense-t-il pas ? J'ai balancé un moment pour décider si Jouhandeau était bien cet homme généreux dont parle José Cabanis, qui scrute les autres pour trouver leur mystère, ce mystère qui les met en valeur ou plus simplement un ironiste féroce. Il faut bien admettre que Théophile et Godeau ne sont pas épargnés et qu'il les aime, eux qui sont des figures de lui et de Dieu en lui. C'est bien ainsi que Godeau se définit. " Il parlait du soleil comme de son cousin. ... Monsieur Godeau donne surtout le goût de voir une lumière plus divine, qui pourrait être en lui, que je veux chercher en Dieu. " p252 " Dieu est le plus parfait jouet d'un homme d'esprit, - qui le prend et le laisse quand il veut. " - Jusqu'à ce qu'il en ait pris lui-même la place ", dit Véronique. " p261 Suivent des portraits et des destinées. Mademoiselle Zéline, Madame Lenoir dont la sainte fille mourra dans le lit d'une maquerelle à laquelle ses soeurs ont succédée, une nouvelle qui fait penser à celle, La légende Poldève, que Marcel Aymé publiera vingt-trois ans plus tard, Clodomir l'assassin, Madame Quinte, qui découvre, avant de mourir, après une mémorable confession et en voyant son gendre coucher avec ses deux filles qu'elle n'a pas, elle, assez profité de ces choses et que l'Homme de sa vie était l'Archevêque ! Vieille Françoise qui devient folle le jour où elle concrétise sa " progression " sociale, Noémie Bodeau qui chante un christianisme païen fait de beautés, d'odeurs et de lumières ...  Haut de page ou Bibliographie

Les Térébinthe ( 1926 ) : On commence modestement par le mariage de la fille d'un épicier millionnaire avec un lieutenant " néant ", pour retrouver un évêque in partibus de Zanzibar et sa servante qui va conduire son équipage jusque en Hottentocie où la fille du charcutier cocufiera son mari atteint de palmerophobie pour devenir quasi impératrice. Un bonheur d'écriture peut-être simple comme : " Il lui faut une journée pour s'apercevoir qu'il ne dort plus, et il se rendort. " Le prête, Séraphin, a peur d'apprendre l'histoire sainte à sa nièce persécutée parce qu'elle commence par le Péché. L'éducation de Pépita est l'occasion pour Jouhandeau de nous délivrer quelques paraboles dont celle du bien et du mal : " Pépita  apporte à Séraphin des mûres vertes. Séraphin lui défend d'en manger. Il lui dit : " Si tu en trouves qui soient noires, tu les mangeras. " Séraphin pensait qu'elle n'en trouverait point. Pépita lui apporte, une seconde après, trois mûres bien noires. Pouvait-il jeter l'interdit sur la nature entière? Il savait que ces fruits ne lui seraient pas bons, mais avec la permission de son oncle, ils seraient si agréables à Pépita. Pour l'encourager à faire abstinence du plus grand mal, il autorise Pépita à jouir du moindre. Séraphin avait peur d'en arriver à penser qu'il n'y eût pas d'autre bien que le moindre mal. " Haut de page ou Bibliographie

Prudence Hautechaume ( 1927 ) : Le personnage qui donne son titre au recueil est certainement un des plus forts d'une oeuvre qui ne manque pas de personnages hauts en couleurs. Prudence, par crainte de la faillite et par amour de ses cinq mannequins dont deux sans têtes, atteint au dépouillement de l'anachronète, mais elle demeure parmi les hommes et le soir, de sa lucarne qui domine le quartier, elle contemple son domaine après avoir dérobé deux oeufs, quelques morceaux de charbon et une bougie à ses voisins. " Prudence un moment ne savait plus si elle devait souffrir davantage de ce qu'il y avait de faux ou de ce qu'il y avait de vrai dans ce qu'on lui reprochait, si bien qu'elle en arrivait à croire que, quelque mal qu'on dît de qui que ce fût, on ne calomniait personne jamais tout à fait Chacun serait-il coupable un peu, dans une mesure certaine, du mal qu'on lui impute, même à tort? Prudence pleurait, déplorait en elle-même la misère de tous les hommes. " Prudence connaîtra la béatitude en entrant en prison sous l'effet de la calomnie quand un enfant en aura fait l'un de ses mannequins. Jouhandeau avance vers la parabole, avance dans la voie de la dérision, mais finalement il demeure dans celle du peintre, cherchant la vérité de ses personnages et nous invitant, au passage, à explorer toutes les voies ouvertes. On comprend ici, dans une intention qui avorte, la tentation Voltaire le Jouhandeau de Divertissements, ne perçoit peut-être pas toutes les données. Qu'on me permette de donner ici un deuxième extrait qui fait très bien apparaître le moraliste et le peintre qui côtoient la dérision sans jamais y tomber parce que l'un sauve l'autre et réciproquement, il est pris dans la première partie de Marie Albinier ou celle qui avait perdu son âme, le second récit de Prudence Hautechaume : " Il n'y avait que M. Albinier, parmi les siens, qui fréquentât l'église. Quand il s'était établi dans la ville, il s'y était contraint pour s'achalander. Maintenant qu'il eût fallu modifier son attitude pour conserver le chaland, il ne se sentait pas le courage de rompre l'attrait qu'avait pris sur lui, en s'invétérant, l'habitude hypocrite : Rien ne dure longtemps chez l'homme, pas même l'hypocrisie. Elle est toute dans le premier mouvement et peu à peu se transfigure en sincérité, en vérité, pour que la vie soit supportable ou simplement possible. M. Albinier eût appelé aujourd'hui hypocrisie de n'en plus avoir et se serait imputé à péché désormais de manquer la messe pour flatter sa clientèle républicaine, bien qu'il n'eût toujours pas la foi. " A ceux qui admirent plus que de raison un monde rural où l'on n'abandonnait pas les vieux, je conseille de lire la mort de Nanou la bergère, Jouhandeau rapporte seulement et ne juge pas. Ce monde aussi était âpre, il commettait ses crimes en silence, il y en avait. Haut de page ou Bibliographie

De l'abjection ( 1939 ) : Faut-il parler de ce livre ? Peut-être est-il préférable de le laisser parler. Les premières pages sont assez éloquentes. " Il ne faudrait surtout pas vivre avec les autres comme avec d'autres soi-même et c'est exactement ce que je fais. " " Sans doute ne serais-je possible que dans un monde où tout le monde serait fou de la même folie que moi ?" " Quel fou ne regrette pas que le monde entier ne déraisonne comme lui ? Quel pécheur que son péché ne soit pas  une loi universelle ?" Enfin " Rabanath, nom que ma grand'mère maternelle me donnait quand j'étais impossible et qui doit être celui d'un démon. " Rabanath cache si bien son jeu qu'on est près de croire qu'il joue le contraire de ce qu'il prétend, mieux, qu'on pourrait prétendre qu'il ne joue pas " et en effet peut-être il ne joue plus. tout d'un coup il vit. " Certains livres d'aphorismes de Jouhandeau me feraient replacer à leur juste place, la dernière, celle d'un faussaire, ceux d'un Ciorian. Haut de page ou Bibliographie

Réflexions sur la vieillesse et la mort ( 1956 ) :  Le Jouhandeau qui publie ce livre a soixante-huit ans, il a encore vingt-trois ans à vivre, il s'agit ici de prospective. Les vingt premières pages de ce livre tiennent de l'authentique chef d'oeuvre. Jouhandeau ouvre cette réflexion sur une période et un sujet que la plupart considèrent sur un mode sinistre par ces mots : " Le soleil reparaît. " La densité de ce texte n'a d'égale que sa clarté. Une langue limpide au service d'idées fortes. Jouhandeau y confirme sa conception particulière de Dieu, sa volonté de mettre sa vie en scène : " Je songe à une fin de vie inimitable. Comment pourrais-je en définir la teneur ? J'en présume à peine les contours. " Jouhandeau transfigure sa vie comme il l'a fait de celle de ses personnages, amplifiant, creusant, donnant une dimension universelle au quotidien. On a beaucoup médit de Jouhandeau narcissique, peu modeste, c'est aussi ridicule que de dénoncer Malraux mythomane. L'écrivain a dans ces domaines tous les droits. Je préfère avoir à faire à un Jouhandeau pour lequel l'homme est sacré à commencer par lui, qu'à d'autres pour lesquels il n'est que bétail ou plus simplement objet de fiches de police ou de notaire. Il y a chez Jouhandeau une affirmation permanente d'un sacré qui passe par l'homme, cela me convient et ... Je ne suis pas loin de me trouver sacré ! Parlant de la disparition de ses amis, Jouhandeau dit : " C'est en ceux qui me connaissent en effet que se trouve ma vraie demeure, ma mesure, désormais incontrôlable, quand ils ont disparu, parce qu'ils avaient suivi ma montée dans le temps où ils me laissent peu à peu sans témoin. " Qui de nous n'a ressenti cette progressive restriction de notre être sous le regard des autres au fur et à mesure que disparaissent les pairs et les compagnons ? Malheur alors à qui en dépendait ou s'en faisait une gloire, la parade habituelle en est la rentrée en nous-même, terrible parce que dévastatrice. C'est un des mécanismes du vieillissement intellectuel, mais n'est-ce pas la vraie stature de l'adulte : ne plus dépendre que de son propre regard ? C'est là que se fabrique le monstre, sans lui, on n'a pas existé. " La vieillesse apporte une lucidité dont la jeunesse est bien incapable et une sérénité bien préférable à la passion. Si cette sérénité, cependant à laquelle on arrive ne se doublait d'un désespoir secret, muet, que l'on domine, elle ressemblerait par trop à une complaisance de notre part, pour ne pas être un mensonge. " " L'opulence, on ne la connaît pas quand on peut satisfaire tous ses désirs, mais quand on n'en a plus, pour les avoir dépassés. " Haut de page ou Bibliographie

Divertissements ( 1965 ) : Ce livre est constitué des préfaces écrites à diverses époques par Marcel Jouhandeau. Pourquoi divertissements ? Certainement parce que selon le sens du mot ce qui nous divertit est ce qui nous détourne de ... ici, de l'oeuvre de l'auteur. Bien entendu il parvient quand même à nous parler de lui, dès la première préface, celle des Mille et une nuits, il nous dit : " A-t-on le culte de l'être humain, on aime à le saisir dans sa vérité privée. Un fait singulier qui vous révèle une âme dans son secret me semble ce qu'il y a de plus précieux au monde. " Il reconnaît en Suétone, prodigieux documentaliste des caractères une sorte de prédécesseur, en Epictète un maître ce qui ne peut surprendre qui connaît l'un et l'autre. La courte préface des cantiques spirituels de Saint Jean de la croix nous rappelle opportunément qu'il ne faut pas quand on parle de Dieu et Diable chez Jouhandeau, comme chez d'autres, ignorer qu'ils sont l'aboutissement d'un long cheminement. Il évoque La Fontaine en réglant son compte à une idiote qui frisait l'imposture, Minet Rouette, à son époque déjà il flétrit l'indigence des auteurs pour enfants retenus par l'école, s'il savait ... On ne leur éveillait plus l'esprit, aujourd'hui on en fait délibérément des cons pour les annonceurs de TF1. Pourtant quel instrument parfait que les fables, quels textes magnifiques et tellement bien adaptés à l'enfance ! La Fontaine est irremplaçable, on ne devrait pas le voir en passant mais l'étudier durant toute la scolarité. C'est une école de la langue autant que de la société. Il y a dans les mots du fabuliste, dix mille fois plus d'images que la télévision ne saurait en déverser en mille jours, et de l'intelligence pour un millénaire de ce média. Qui n'a été bercé par cette musique, n'est pas français et le plus obtus des rapeurs, s'il avait un cerveau, se suiciderait en écoutant sa prose après elle ! Suivent Madame de Sévigné, Molière en faveur duquel il règle son compte au dévot hypocrite Bossuet, La Bruyère, Voltaire et Chateaubriand dont Jouhandeau sait nous parler de façon vivante. Voltaire est l'invité surprise qui témoigne de l'ambiguïté de Jouhandeau, il s'en explique et en le faisant nous livre une clé. Divertissements ne reprend que des préfaces concernant des écrivains du passé, n'y figure par exemple pas celle, vivante, qu'il écrivit la même année pour Journées de lectures de Roger Nimier.  Haut de page ou Bibliographie

Mémorial 1 Le livre de mon père et ma mère : Voici un livre " ordinaire " de Marcel Jouhandeau. Je veux dire qu'il n'est pas marqué par ce mysticisme décalé qui est sa grande caractéristique. Dans ce premier volume du Mémorial qui en compte sept, Jouhandeau nous parle de ses souvenirs dont le point central est ses parents. Il y est beaucoup question de son père, ce boucher aux grandes mains qui tuait, des animaux certes, mais ... On retrouve les héros et héroïnes de Chaminadour, dont les particularismes ne sont pas revisités par l'auteur, l'écriture en semble plus sobre. Le talent d'observation est toujours là. Le temps joue des tours amusants, dans ce livre écrit en 1948, l'auteur nous parle des coiffeuses à domicile en nous disant métier disparu alors qu'il a réapparu depuis quelques années. Par exemple la clientèle des femmes de commerçants qui se faisaient coiffer chaque jour avant l'ouverture n'est peut-être plus la première des coiffeurs ambulants. Haut de page ou Bibliographie

Trois crimes rituels : Marcel Jouhandeau va examiner trois crimes. Il passe assez rapidement sur le premier pour en tirer une réflexion de moraliste : l'inquiétude des conséquences du malentendu entre ceux qui s'aiment.  Dans le second, il saisit l'occasion d'entrer dans la logique des personnages, du personnage diabolique qui va manipuler sa complice, son instrument pour une sorte de crime rituel et il termine sur la figure exemplaire de la victime - personnage principal de ce crime - dont le visage, le seul de cette affaire, l'a immédiatement attiré. La troisième, celle, abominable, du curé d'Uruffe, un homme piégé, acculé par ses illusions et ses fantômes est l'occasion d'une méditation sur le sacerdoce et la sorte de déraison toute catholique de ce misérable qui demeure prêtre au plus profond de ses forfaits. On est loin de la réflexion gidienne sur la justice, ce qui intéresse Jouhandeau, c'est la clé des personnages. Dans sa réflexion finale, il nous confie, contredisant Gide sur ce sujet : " La plupart du temps les révolutions ne font que remplacer un abus par un autre contraire " Là où Gide évoque les révolutions sociales, Jouhandeau évoque les moeurs, Gide constate la permanence au travers des religions des grands traits préexistants, Jouhandeau voit en elle une simple substitution d'abus. ( Outreau fut une illustration de l'échange d'abus ) L'analyse finale des qualités nécessaires aux jurés, qu'ils ne possèdent jamais, est très intéressante, même mis entre parenthèse ce qui concerne les femmes qui est certainement bien dépassé aujourd'hui. Haut de page ou Bibliographie

L'antisémitisme ( Le péril juif ) : De ce peu glorieux écrit, Marcel Jouhandeau, le reniant, dira qu'il avait été influencé par son milieu au premier rang duquel son idiote de femme, Elise. Le péril juif, c'est une plaquette de trois articles publiés par Jouhandeau entre 1936 et 1937, il y en aura encore un en 1938. Vraisemblablement provoqués par la présence de Léon Blum à la tête du gouvernement. Jouhandeau affirmera qu'il a tôt fait disparaître de sa bibliographie cette plaquette, publiée chez Sorlot, un des éditeurs de la boue. J'ai pu me procurer cet écrit *, Jacques Roussillat fait le point de cette affaire dans sa biographie de Jouhandeau parue en 2002 chez Bartillat et cela n'ajoute pas à la gloire de Jouhandeau qui s'y révèle un triste imbécile tout juste assez clairvoyant pour ne pas se compromettre avec l'antisémitisme nazi alors même qu'il ne va pas manquer de collaborer ( littérairement et pédestrement ). La vérité c'est que Jouhandeau était bien antisémite par son approche de la culture juive mais que cet antisémitisme s'arrête aux hommes à qui il ne veut pas de mal sauf à ne plus les voir chez lui ! La bouffée antisémite " publiée " de Jouhandeau lui vaudra quelques déboires comme la réserve de Gide à son égard. Max Jacob lui pardonnera encore qu'il fera plus tard des déclarations hostiles tout comme son ancien professeur Léon Brunschwicg dont Roussillat cite une lettre qui ne manque pas d'humour. Jouhandeau aurait dans les années 70, vivement regretté cette attitude, d'autres n'ont pas eu de tels remords, on en retiendra quand même que ce moraliste un peu particulier manquait singulièrement de caractère et était par trop sensible aux influences y compris certainement celle de son milieu d'origine.

Sur Jouhandeau et l'antisémitisme on lira avec intérêt les souvenirs de Gerhard Heller qui fut le protecteur des lettres françaises au sein de l'appareil d'occupation allemand durant la guerre (pp74 à 80). Jouhandeau subissait l'influence de sa femme avec laquelle il formait un couple monstrueux qui alimentera les fameux Journaliers. Elle était une antisémite forcenée*** en même temps qu'une folle qui ira jusqu'à dénoncer à la Gestapo des amis de son mari. Il voyait dans la politique allemande la solution à ce qu'il considérait comme "le problème juif" - il n'était pas le seul, Sartre lui-même emploiera encore la malheureuse formule du "problème Juif"** après la guerre mais, heureusement, dans une autre perspective.

* A Paris on ne cherche actuellement pas longtemps une plaquette comme Le Péril Juif. Un pseudo-éditeur, SOULMENTAULT en a tiré en 1985 une édition agrémentée d'un texte réputé de Marcel Jouhandeau de 1972, Ultima Verba. Ce texte selon lequel Jouhandeau reprendrait avant de mourir ses délires antisémites est tout simplement un faux dû à un des petits salauds qui se cachent sous le nom de l'officine. Rien de plus tristement amusant que de voir comment dans d'autres officines qui diffusent la littérature antisémite sous le manteau avec mille précautions, on procède à la vente de telles choses. Décidément la pseudo race des seigneurs n'en finit pas de nous attrister !

** Il faut le répéter ce ne sont pas les Juifs qui posent problème mais les ordures comme aujourd'hui Le Pen ou les catholiques - abbé Pierre, feu le grant'homme antisémite ou les évêques réintégrés par l'ex-nazi pape actuel. Que pouvons-nous faire de ces malades ? Je penche pour la trépanation comme nous devrions l'appliquer aux violeurs, s'il y a de la merde dans les cerveaux, il faut la retirer. Le Pen est une ordure avec un œil en moins, que serait-il avec les deux ?

*** Elle était également d'une rare avarice, il est intéressant de constater que les antisémites qui font aux Juifs une réputation d'avarice sont souvent eux-mêmes des gens fascinés par l'argent. Céline et les petits commerçants du vingtième siècle (1900-1970), Le Pen parti pauvre et arrivé au port les valises pleines, la tristement célèbre Elise ... L'antisémitisme de Drieu, succédant à son philosémitisme est lui même lié à sa relation à l'argent, il en avait tiré beaucoup des femmes en particulier de sa première épouse, juive, et, dans son antisémitisme, il liquidait un personnage qu'il avait été en renversant les valeurs (péchés en reprenant ce terme chrétien, serait plus juste). Drumont, l'auteur de la France Juive, au départ minable entrepreneur de presse, s'enrichit par l'exploitation de l'antisémitisme des pieds-noirs avant de venir arrondir sa fortune en France hexagonale. Il y a dans les cerveaux catholiques à la place qui génère la haine des Juifs, non seulement ce pauvre juif, le Christ qui n'en peut mais ..., mais aussi la merde de la fascination pour l'argent réputé pour ces malades être accaparé par les Juifs. Le coupable de l'affaire Dreyfus, le triste grand-officier-français-comte-maquereau Esterhazy, était lui-même un sordide escroc, maquereau, voleur, joueur, espion ...

JOUHANDEAU, DIEU ET SATAN : Jouhandeau parle beaucoup de Dieu, soit au travers de ses personnages qui en sont les adeptes, soit que lui-même l'évoque à l'occasion de sa création. Pour lui, Dieu est dans sa création, particulièrement dans l'homme. On aime Dieu en lui ( Marcel ). L'homme nu est Dieu, " libre, d'un symbolisme moral qui lui fait dépasser les limites de l'humain et comprendre ce qui est Dieu. Il est la plus parfaite image de Dieu. Il est l'Homme. " Le Dieu de Jouhandeau est toujours associé à la joie, il n'y a pas de joie sans lui, mais la joie est païenne. En fait, c'est la joie qui est divine. Pour celui qui connaît le christianisme, il y a chez Jouhandeau une transgression qui va plus loin que le rétablissement de la joie évangélique si contrariée par la religion. Satan a également sa place. Il peut-être objet de frayeur mais son domaine est humain par exemple la forêt avec ses grands arbres, il y a beauté chez Satan qui n'est que l'autre forme de frémissement : " La cathédrale de Satan soulevait autour de l'homme jeune ses portiques, ses arceaux, ses flèches, ses fûts de colonnes gigantesques, ses verrières d'or sur azur. " Il y a le culte de Satan : " Théophile songeait à la multitude des adorations qui se cachent dans une forêt pour êtres impies. L'attouchement empoisonné de l'herbe digitale comme d'un gant violet sur son mollet nu, l'incantation nombreuse des insectes autour de son front le troublaient. Mille pattes velues, hagardes et toutes les bouches des êtres le sollicitaient sous une seule feuille d'acacia. Il était sensible aux mondes très anciens que chacun de ses pas détruisait. Les deux pieds de Théophile reposaient sur une hécatombe d'astre comptés par Dieu et peuplés de mauvais esprits. " Dieu et Satan vont de pair, nous avons là une sorte de chant païen qui ne trompa pas les chrétiens, Jouhandeau a été condamné sans appel par une religion qu'il semble bafouer en la prenant aux pièges de son langage et de ses dogmes. L'abbé Bethléem écrira de lui : " Cet auteur s'attarde à des quintessences d'analyse et mèle dans ses romans intoxiquants, la brutalité et la mystique, le péché charnel et les sérénités de l'extase, les horreurs de sabbat et les cérémonies pieuses, les sarcasmes ingénus, les blasphèmes et les effusions saintes. " On ne peut pas résumer plus justement, il semble souvent que Jouhandeau non seulement s'attache aux motivations des croyants qu'il observe, ceux-ci étant souvent très marginaux, mais aussi qu'il y trouve personnellement les profondes raisons d'honorer un Dieu qui se confond sans cesse et pleinement avec sa création. D'ors et de couleurs, de joies et de frémissements, le Dieu de Jouhandeau est on ne peut plus terrestre au travers d'une mystique païenne qui transcende le christianisme et semble le déshabiller. Comment l'enfant du boucher qui grandit entre le sang des bêtes et leurs chairs sanguinolentes et les fastes de la religion des églises de lumières, d'encens et de musique et ses processions avec pétales de roses, ors beaux vêtements ne serait-il pas amené à réconcilier d'une façon ou d'une autre le bien et le mal perçus au travers de ces deux opposés ? Comment l'homosexuel condamné par la religion qui a grandit dans l'admiration et sous la protection, parfois suspecte, des femmes liées au mysticisme adolescent n'accepterait il pas les contradictions de la chair et de l'esprit dans la joie qu'ils produisent ? Jouhandeau évoque une époque où la religion était encore dans les rues et déployait ses étendards en processions et en fêtes païennes, derrière statues et grimoires, ciboires et sacrés coeurs. Haut de page ou Bibliographie

Jouhandeau et Gide : Je marquais une pose dans la lecture de Jouhandeau quand je reçus la cent cinquantième livraison du bulletin des Amis d'André Gide qui contient un article de Claude Foucart sur Gide et Jouhandeau. La correspondance publiée entre les deux hommes est mince, elle n'est d'ailleurs pas complète dans la détestable édition qu'en a fait Sautier ( 1958 ) qui présente les lettres de l'un en première partie et les réponses de l'autre en seconde. Claude Foucart quand il cite Jouhandeau : " Préférence accordée à la réalité sur l'art " me semble bien mettre le doigt sur la différence essentielle entre les deux hommes. Pour Jouhandeau non pas la réalité ( une réalité consensuelle ), mais sa réalité, sa perception du réel, prime sur le reste. C'est parce qu'il obéit à une nécessité interne qu'il va la poursuivre sans répit. Alors que Gide est déjà dans une utilisation du réel Jouhandeau en part et repose dessus. Evidemment sa perception n'est pas celle de tous, Jouhandeau effectue une divination*2 de l'homme. Aucun de ses personnages qui ne soit un personnage réel, de chair. Un personnage de Jouhandeau peut atteindre au mythe, il ne l'illustre pas, le point de départ de l'auteur n'est ni un mythe, ni une volonté de l'illustrer. Combien au contraire de personnages de Gide ne sont là que pour servir le mythe. Camus et Sartre dont les fictions illustrent des idées iront encore plus loin dans ce chemin perdant de vue ce que Gary considère justement comme indispensable : la part du mystère. Chez Gide l'art prime, pas chez Jouhandeau chez qui l'art se confond avec cette sorte de mysticisme étrange que sa vision de l'homme entraîne. Jouhandeau est l'anti auteur d'un dîner de con, là où l'imbécile, le beauf, ordinaire trouve à rire d'une passion, d'une particularité, Jouhandeau va déceler le divin, l'unique, la valeur de l'individu. Jouhandeau n'expose les ridicules que pour en faire des atours intéressants, uniques, que pour appréhender par eux l'essence d'un être divin.

*1 : Sauf indication contraire on se réfère à l'édition Quarto de Chaminadour. 

*2 : Divination dans les deux sens possibles du mot : deviner et y introduire Dieu, en faire du divin.

Modifiée le 27 mars 2006

 

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