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UNE IMPROBABLE RENCONTRE : RENE BOYLESVE et PIERRE DRIEU la ROCHELLE

 

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Cette rencontre improbable eut lieu dès 1914 et fut une des conséquences de la blessure de Pierre Drieu la Rochelle, dès le début des combats, à Charleroi, qui fut transféré à l'hôpital de Deauville où René Boylesve se rendait utile dans l'administration tandis que sa femme soignait comme infirmière.

De cet hôpital (*1 Drieu nous donne l'appréciation suivante :

Je m'étais retrouvé à Deauville, dans un somptueux hôpital où il y avait beaucoup de belles dames et de beaux messieurs et où si l'on était sérieusement blessé on crevait comme une mouche. Mais moi, j'avais seulement reçu une espèce de biscaïen ou de shrapnel dans le cuir de la tête et, après quelques jours de migraine, j'étais debout et enturbanné, je circulais au milieu d'une foule absurde qui manifestait avec frénésie sa vaniteuse ignorance, son arrogante et perfide curiosité à l'égard de ce que je venais d'apprendre et dont j'étais transfiguré au-dedans. "

Description très dure de cet hôpital improvisé de Deauville et appréciation des " mondains " de l'arrière qui n'est pas sans rappeler celle que fera l'ami de Drieu, Jean Bernier, dans La Percée, même si celle-ci se rapporte à la vie dans les tranchées que Drieu n'avait pas encore connue à l'époque de sa convalescence de Charleroi.

Drieu avait 21 ans, n'avait rien publié et n'était absolument pas satisfait de ses quelques tentatives d'écriture malgré l'appréciation rapide qu'il porte dans le texte suivant. Boylesve avait 47 ans, il n'était pas encore académicien contrairement à ce qu'affirme Drieu - il ne sera élu à l'Académie qu'en 1918 - mais il était un écrivain reconnu. Drieu décrit ainsi les circonstances de leur rencontre :

" Un vague personnage qui, par crainte d'une mobilisation plus précise, avait adopté le rôle anodin de trésorier de l'hôpital, se trouvait être par ailleurs ami ou secrétaire (*2 de M. René Boylesve, de l'Académie Française. Ce trésorier, qui ne s'occupait guère de ses registres, furetait dans les salles en quête de documents humains, comme il disait. M'ayant surpris avec quelque Pascal dans les mains, il me fit subir un interrogatoire, m'arracha un aveu facile et s'en alla chez son Boylesve avec une pincée de papiers que je lui avais laissé prendre non sans une pointe de satisfaction et de certitude. J'étais plein de mon sujet et tout d'un coup je pensais que c'était arrivé. ...."

De la rencontre elle même, voici ce que nous dit Drieu :

Cette fois-ci ma certitude semblait reposer sur un fond plus solide, car l'académicien me fit inviter dans une grande villa où demeurait une de ses belles amies (*3. Quand je fus là avec ma vieille capote d'aspect suffisamment héroïque, l'académicien me considéra avec ce petit air ravi et inquiet qu'ont les littérateurs quand ils dénichent un maniaque atteint de la même manie qu'eux et aussi un rival possible. "

Boylesve ne pouvait pas, selon Drieu, apprécier ses balbutiements :

" Je tombais dans une nouvelle malchance, ...., M. Boylesve n'était guère fait pour apprécier mes vagissement tumultueux et qui se complaisaient un peu dans leur tumulte. Pourtant, dans le premier instant, sans doute que son goût habituel ne jouait pas et qu'il pouvait pour très peu de temps reconnaître dans ce qui lui était tombé entre les mains une sorte de qualité brute où aucune direction n'était encore certaine et certainement condamnable.

Par la suite, s'il ne pressentit pas tout de suite, il dut s'assurer que j'étais un horrible moderniste mettant en théorie son inculture, son inexpérience et sa hâte infatuée.

Ce jour-là il me fit un vif compliment et m'engagea à continuer. Peut-être me donna-t-il des conseils qui ne pouvaient guère aller que dans son sens, peut-être s'en garda-t-il par expérience du cœur des hommes ou indifférence, ou dédain, ou qui sait ? modestie. " (*4

Suit dans le récit de Drieu l'intéressant souvenir des réactions de René Boylesve aux Caves du Vatican de Gide alors pas encore au fait de sa gloire.

Toutes les citations de Drieu sont tirées du texte "Débuts littéraires" publié dans le volume : " Sur les écrivains " Gallimard, collection Blanche, 1964

*1) Hôpital militaire 31 dans les bâtiments de l'Hôtel Royal (Cf  L'Homme à la balustrade de Marc Piguet)

*2) Probablement Gérard-Gailly qui fut ami et secrétaire de René Boylesve et dont la femme était médecin dans le même hôpital.

*3) Certainement chez ses beaux-parents à la Tour Carrée. ( idem note1)

*4) S'il avait mieux connu Boylesve, Drieu eut certainement ajouté "par timidité".

 

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