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LA COLLECTION SOLEIL

de GALLIMARD

 

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Peut-on qualifier de prestigieuse cette collection qui a été un temps le luxe des collections Blanche et Du monde entier des éditions Gallimard ? Camus, Gide, Montherlant, Malraux, Gary, Sartre, Beauvoir, Aragon, Giono, Cohen, Saint-John Perse, Breton, Eluard, mais aussi Bosco, Borel, Tournier, Cabanis et bien d'autres, Saint-Exupéry, Péguy, Fargue, Larbaud pour la France, Faulkner, Hemingway, Steinbeck, Styron, mais ni Dos Passos, ni Fitzgerald pourtant bien de la maison pour les Etats-Unis! Coté Italie, Malaparte, Pirandello et Pavese, mais ni Moravia, ni Morante, de ce coté, un choix qui m'agrée assez, Lorca pour l'Espagne, Tagore certainement parce que traduit par Gide, Lawrence, Conrad, Pasternak, Kafka, Hasek, mais aussi Nabokov, mode oblige et Céline cet infâme salaud omniprésent dans la maison alors que Drieu est comme toujours écarté! (Il est certainement moins infâme aux yeux de la maison Gallimard d'avoir été un actif propagandiste de l'antisémitisme et un des plus fervents pousse au crime qu'un collaborateur sincère !)

La collection, fidèle à une tradition Gallimard, est marquée par la "permanence" de ses caractéristiques. Toujours même reliure toilée selon une maquette de Massin, presque toujours le même relieur, Babouot à Lagny, très tôt le papier, bouffant alfa calypso des papeteries Libert, et le principe jamais violé, d'une couleur unique pour tous les ouvrages d'un auteur*. La même couleur étant utilisée pour plusieurs auteurs amène parfois sur les étagères des bibliothèques des regroupements surprenants, Paul Claudel et Charles Péguy avec Romain Gary et André Pieyre de Mandiargues ou les funambules de la divagation, Pauwells et Bergier avec Boris Pasternak et Kafka ! Si la même couleur est utilisée pour plusieurs auteurs, l'ensemble des caractéristiques est propre à un seul auteur. La couleur du signet, de la bande annonce, des titres intérieurs et des intérieurs de couverture permettent de constituer un ensemble unique par auteur. Il y eut environ trois cent cinquante titres ** dans cette collection, chaque œuvre y est dotée d'un numéro de parution, repris lors des rééditions, comme toujours en pareil cas il y a des loupés, ainsi nous avons deux numéros 102, Mon Faust de Paul Valéry et l'Amante Anglaise de Duras (Il est vrai qu'à eux deux, ces titres parviennent difficilement à en faire un!). Les livres sont vendus sous rhodoïd et les amateurs tiennent à cette couverture transparente. Beaucoup sont dotés de bandeaux annonce, qui sont également recherchés. Certains volumes, comme le Fichier Parisien de Henri de Montherlant ou Deux Indiennes à Paris de Michel Mohrt sont accompagnés d'une page de couverture illustrée glissée sous le rhodoïd. Enfin notons pour mémoire le petit carton, blanc, comportant auteur titre et prix qui s'accroche sur le haut de la reliure. La collection s'ouvre par un titre de Camus, L'Exil et le Royaume (1956?), le numéro le plus élevé que je possède, est-ce vraiment le dernier titre de la collection ? est Les Clowns Lyriques de Romain Gary (343- 1979). Les centaines sont marquées par : le premier volume des Carnets de Camus (encore!) pour le 100, Les belles images de Simone de Beauvoir pour le 200 et Europa de Romain Gary pour le 300. Au nombre des absents remarqués dans cette série, l'omniprésent dans la Maison, Paulhan alors que son ami Arland y figure pour quatre titres. A noter que certaines exclusions ou préférences de la collection préfigurent celles de la Pléiade qui reprendra Céline mais pas Drieu, Hemingway et Faulkner mais pas Dos Passos ni Fitzgerald, Steinbeck étant quant à lui perdu en route, certainement pour mauvaise tenue (Tortillat Flat ou Tendre Jeudi)! Caldwell, pourtant un auteur bien représenté au catalogue de la Maison Gallimard n'y figure également pas.

* Sartre sera cependant sous la couverture grise de ses propres œuvres et sous la rouge de Genêt pour le tome premier des œuvres de ce dernier, Saint-Genêt, comédien et martyr.

** Bien que le numéro le plus élevé soit le 343, la collection n'a comporté que 342 volumes.

J'ai retrouvé la liste complète des ouvrages de la collection, par le catalogue Gallimard et par les achats par Internet auprès des libraires de livres anciens.

La représentation, en nombre d'ouvrages varie, elle est également tributaire de la production de l'auteur. Henry de Montherlant est le mieux représenté avec vingt trois titres, suivent, loin derrière, Simone de Beauvoir et Jean Giono avec quatorze, Romain Gary avec treize titres, puis nous trouvons Albert Camus avec 12 titres, ce qui est beaucoup par rapport à la faible production de l'auteur, Jean-Paul Sartre avec douze représentant l'essentiel de sa production non philosophico - politique, suit le premier auteur étranger, en nombre de titres, Hemingway avec neuf titres. La collection reste essentiellement française, soixante et onze auteurs français pour 17 étrangers, 289 titres français contre 45 étrangers. Les couples Beauvoir, Sartre ou Malraux, Vilmorin sont représentés, il n'en est pas de même pour Aragon (huit titres) pour lequel Triolet est absente de la collection. Une édition dans cette collection était certainement une sorte de privilège et on peut facilement imaginer que certaines divas de la littérature veillaient tout particulièrement à ce que tout nouveau titre ou toute nouvelle édition de leurs œuvres anciennes y fussent représentées. A cet égard il faut noter la bonne représentation de Malraux, pour lequel on a été jusqu'à publier, Ministre oblige, les "Oraisons funèbres"!

La mise en page et le nombre de pages varient, pour ce dernier on peut aller de 115 pages bien aérées, Casse Pipe de l'Ignoble, à 840 plus serrées, Ecrits Intimes de Roger Vailland qui est certainement l'ouvrage le plus licencieux de la collection où aux Deux tristes Etendards de Rebatet avec 1315 pages encore plus serrées pour lesquelles on a utilisé un vélin spécial des Papeteries Malmeynade - Daguerre la reliure étant exécutée par Firmin Didot au Mesnil.

Les tirages de la collection sont bien entendu variables, 3100, 4100, sont des tirages courants, certains sont moins élevés, d'autres beaucoup plus. Il y a également des réimpressions. Il n'est pas aisé d'en faire un état sans posséder les chiffres de l'éditeur. En se fiant aux indications de tirage on peut remarquer que les réimpressions obéissaient à différentes règles de numérotation des exemplaires. On accolait une lettre devant le numéro de la réimpression ou on numérotait à la suite de (ou des) éditions précédentes. En ce qui concerne l'Etranger d'Albert Camus, un livre vedette de la collection, les deux systèmes ont été utilisés et il y eut au moins 18100 exemplaires d'une première série de numéros (en deux éditions) et 6000 numérotés R d'une seconde ce qui donne un tirage d'au moins 24100 exemplaires - le plus fort à ma connaissance pour cette collection (mais ma vue est partielle et subordonnée aux exemplaires en ma possession). On m'a dit que dans l'ensemble la collection se vendait assez mal et il est vrai qu'il y a quelques années on trouvait encore certains titres en solde d'éditeur. Le dernier volume (numéro d'ordre le plus fort en ma possession, Les Clowns Lyriques de Romain Gary a été tiré à 1100 exemplaires, le plus petit tirage identifié par moi, chant du cygne?) Les exemplaires sont numérotés, il y a selon les tirages de 100 à 300 exemplaires hors commerce numérotés dans les plages les plus élevées. Je possède cependant trois exemplaires non numérotés (défaut d'impression ou sur-tirage pirate?), O vous frères humains d'Albert Cohen, Ils luttèrent jusqu'à l'aube de Jean Montaurier et Les confessions de Nat Turner de William Styron.

L'achat par correspondance de livres de cette collection auprès des libraires de livres anciens peut recéler quelques surprises. Au-delà des erreurs qui font qu'on vous livre des ouvrages de la collection blanche à la place de la collection Soleil, j'ai eu celle de recevoir un exemplaire de la collection soleil - page de titre avec titre couleur - dernière page avec le justificatif de tirage de la collection (réédition du premier volume du Théâtre de Garcia Lorca - exemplaire B sans numéro) sous la couverture de la collection blanche et au petit format de cette collection. Edition d'ailleurs collée et non brochée, ce qui n'empêche pas la mention "reliure selon la maquette de Massin" de figurer sur le justificatif. Cet exemplaire représente-t-il une curiosité due à une édition "pirate" (ou exemplaire piraté) ou bien un loupé de l'éditeur?

Pour quelles raisons la collection a-t-elle disparue? Il faudrait le demander à la maison Gallimard, mais il n'est pas difficile de l'imaginer. Les livres de la collection Soleil n'étaient pas vendus beaucoup plus cher que ceux de la collection Blanche, le coût de fabrication a dû devenir prohibitif à l'époque du livre collé entraînant ainsi la disparition de la collection, je n'ose pas penser que c'est l'absence d'œuvres de valeur qui a provoqué cette disparition puisqu'il en existait, même chez Gallimard, venant de l'étranger et que l'on pouvait encore piocher dans le fond ancien. Mais tout malheur ayant sa contrepartie, cette disparition nous permit de ne pas y voir Sollers, ce qui n'est déjà pas si mal ou, pire, Angot !

Actuellement, le coût des ouvrages de la collection chez les libraires de livres anciens varie selon les libraires et les titres. Pour un ouvrage ordinaire de la collection, il est entre huit et vingt cinq euros (sur Chapitre où les livres sont notoirement surévalués). Certains titres cependant se cotent plus cher, le record pour ceux que je me suis procurés étant à Mort à Crédit de l'Ignoble à soixante-dix euros, sur les quais à Paris (en parfait état avec rhodoïd et bande annonce), mais il est battu par Ulysse de Joyce à cent trente quatre euros.

Enfin, il y a eu aux éditions du Mercure de France, groupe Gallimard, des ouvrages édités au "format soleil", c'est à dire dans la même forme, papier, impression, reliure et même rhodoïd, que ceux de la collection, mais agrémentés d'un relief sur la couverture. Il en est ainsi par exemple de la Porte Etroite de André Gide, édité sous couverture bleue alors que les ouvrages de Gide sont repris sous couverture rouge dans la collection chez Gallimard ou du Petit Ami de Léautaud sous couverture orange ou de deux volumes de Léon Bloy, la Femme pauvre et le Désespéré sous couverture rouge ou encore Moralités légendaires de Jules Laforgue et Jeunes filles de Francis Jammes. Ce n'est d'ailleurs pas le seul emprunt du Mercure à Gallimard, ainsi une collection sur papier bible, style pléiade moins la reliure, sera lancée sans nom, reprenant des ouvrages de Léautaud, de Strindberg, de Bloy mais aussi de Wilde juste avant que la Pléiade ne l'édite, elle aussi, manque de coordination dommageable aux lecteurs - clients.

21 avril 2003 mis à jour 25 avril 2003 puis le 10 août 2004 puis le 11 avril 2007 puis le 22 septembre 2008

Nota : En ce qui concerne les chiffres - titres par auteur, nombre d'auteurs... tenir compte qu'il sont le fruit de constatations et qu'ils ne viennent pas de l'éditeur.

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