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LES ŒUVRES : Leurs oeuvres

 

 

LE GRAND DESARROI - GENERATIONS PERDUES

L'après traité de Versailles

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LA GUERRE DE 1914-1918                   

Ecrivains morts à la guerre                               

 

Le but de cette page est d'essayer de comprendre ce qui s'est passé chez les intellectuels durant l'entre deux guerres, en particulier dans les années trente. Si quelqu'un veut collaborer à cette page en faisant profiter des commentaires sur un auteur, une œuvre, qui donne un éclairage intéressant sur la période ou les choix et le parcours de son auteur, merci de bien vouloir prendre contact : Bourgeois.andre@9online.fr

 

La lecture de certains écrits politiques de Pierre Drieu la Rochelle m'a amené à regarder ce qu'écrivaient d'autres hommes à la même époque. Ceux de la génération de Drieu comme Emmanuel Berl, des plus jeunes comme Brasillach, Nizan, Prévost, des plus vieux comme Bernanos. Les années trente sont les années du désespoir. Tous ceux qui pensent savent que le calamiteux  traité de Versailles a été une infamie, une montagne de sottises, une bombe dont l'effet sera le plus destructeur de l'histoire.

Qu'on se rassure, je ne suis en rien "négationniste", pas plus que "révisionniste" ou quelque autre qualificatif de ce genre. Je ne cherche pas à justifier l'injustifiable : le racisme élevé au rang de justification suprême. Pour aussi détestable que puisse être cette idée de race en politique, je n'ignore pas qu'elle n'a fait que prendre place au-dessus de cette plus ancienne idée : nation. La race comme finalité historique est l'héritière logique de l'idée de nation opposée aux autres nations. Elle nous a donné l'épouvantable extermination systématique des peuples juif et tzigane. Je pense cependant qu'il faut différencier la folie exterminatrice de la notion de domination d'une race, même si elle apparaît comme une conséquence logique de cette dernière, en ce que l'antisémitisme qui permit cette horreur était antérieur à cette idée et lié à une autre bien plus vieille qui l'avait inventé, qui avait durant des siècles mené une persécution criminelle monstrueuse à l'égard du peuple juif : le très charitable christianisme qui prônait l'amour des hommes sauf des Juifs. Le poids de l'horreur de l'extermination a servi de justification a bien des gens qui ne valaient pas grand chose, qui avaient même leur poids, très lourd, de responsabilités, je pense par exemple aux industriels et financiers américains qui financèrent Hitler, comme ce Kennedy dont la mafia devait assurer l'élection d'un de ses fils vat'enguerre taré, des années plus tard. Il est facile quand on a eu sous les yeux le pire, l'immonde, de se cacher derrière pour se refaire une virginité. C'est ce qu'a fait le libéralisme et ce qu'ont fait les bonnes vieilles salopes corrompues de démocraties. Si le mal était absolu, nous sommes, nous ses ennemis, le Bien absolu. Et bien NON. De même que les hommes qui se sont égarés durant les années vingt et surtout les années trente, préparant leur fin dans le marais putride des premières années quarante, n'étaient pas forcément des monstres. Certains l'étaient certainement, sûrement. Les Hitler et consorts étaient des fous qui n'auraient jamais dû parvenir au pouvoir, mais aujourd'hui encore, combien de fous y hissons-nous dans nos très respectables démocraties ? Le psychiatre ne passe pas avant les électeurs ! Les hommes de cette époque avaient en main des données qui n'étaient pas les nôtres. Ils ne pouvaient pas plus se faire d'illusions sur les démocraties qu'ils ne pouvaient deviner ou simplement, dans le cas de Hitler, croire vraiment, en la folie qui montait. De plus, nombreux parmi ces hommes ne voulaient pas d'une domination allemande sur leur pays, ils ne voulaient qu'une solution qui lui procura cette force qu'ils avaient subie dans les tranchées, qu'ils voyaient monter autour d'eux et qui les faisait s'inquiéter de sa faiblesse. Nous sommes tous victimes des conditions sociales et politiques qui nous déterminent. Nous n'y réagissons pas tous de la même façon, nous les subissons tous. La révolte est un mouvement naturel devant l'inacceptable qui a souvent hélas conduit à pire. Le monde réel est au mieux le moindre mal quand nous le voudrions le meilleur. Le meilleur ne peut se faire que par un viol des hommes qui défait dans le même temps le projet qu'il croit servir. Philosophie de la médiocrité, misérabilisme ? Hélas, oui, mais aussi leçon des trois derniers siècles pour ne pas remonter plus loin. Je voudrais qu'en essayant de comprendre ceux que nous condamnons trop vite, les collabos comme on les appelle, on examine ce qui les a fait, ce qui les a amené là où ils ont été acculés et que en opposition, nous cessions de glorifier comme des imbéciles ceux qui se drapent dans le souvenir pour faire oublier le lourd passé des idéologies qu'ils défendent, dont ils se servent impunément, dont ils tentent de nous persuader en nous ruinant qu'elles sont la fatalité du Bien. Il ne s'agit aucunement de réhabiliter des idées, seulement j'affirme que les idées ne sont que le produit des époques, de leur plus ou moins grande violence, qu'elles s'imposent aux hommes et qu'ils les manient souvent, de bonne foi, sans percevoir où elles les mènent tout comme elles peuvent servir à d'autres de paravent pour leurs vilénies. Comprendre et apprendre le passé, démystifier ce qui s'est fait à bon prix une virginité nouvelle pour mieux recommencer ses saloperies. Nous devons éviter de nouvelles horreurs, mais que cela ne nous empêche pas de garder les yeux ouverts sur notre réalité.

Je pense que les intellectuels ne sont pas mieux placés que les autres dans ces mouvements politiques même quand ils pensent n'agir qu'en fonction des idées et de leur analyse "objective". L'accès aux informations, loin de les privilégier, les met en position d'infériorité en les assujettissant plus aux contraintes de l'époque, leur intellectualisme les persuade de plus qu'ils comprennent là où ils ne font que subir avec des raisons, leurs certitudes font leur faiblesse. Il ne faut pas les ignorer, il ne faut pas les suivre. Les écouter, tenter de se débarrasser des contraintes trop immédiates, se défier comme de la peste des engagements et rejeter les croyances et les sauveurs. Rien n'est plus triste qu'une foule qui se donne à un imbécile pontifiant. Chaque élection dans chacune de nos démocraties nous offre ce spectacle et au lieu de la défiance et de l'inquiétude qui devraient présider à la nomination d'un homme ou d'hommes qui vont exercer le pouvoir nous montre l'enthousiasme imbécile de ceux qui sont certains d'avoir bien choisi quand ils n'ont fait qu'obéir à la propagande à laquelle ils étaient le plus sensibles dans des mises en scène écœurantes qui ne valent guère mieux que d'autres tristement célèbres sinon que plus médiocres elles n'entrainent que des enthousiasmes superficiels et sans lendemain.

Dans les années trente, l'Europe présente un contexte très différent du notre. La moitié des états sont passés ou passent sous des régimes dictatoriaux, un peu partout les frontières sont contestées, de fortes minorités sont coupées de leur patrie à une époque où l'idée de nation et de patrie règne encore en maître même derrière les idéologies montantes, Allemands, Hongrois, par exemple. Dans les démocraties des partis communistes parfois forts et des partis fascistes opposés, s'affrontent mais conjuguent leurs critiques et leurs efforts pour rendre difficile le bon fonctionnement des systèmes, la violente crise financière et économique qui a secoué en 1929 les U.S.A. n'a pas fini de produire des effets néfastes jusqu'en Europe. Certains pays, à peine libérés de la tutelle allemande, russe, autrichienne ou turque font preuve d'une sottise sans pareille. La Pologne par exemple qui va voler un bout de terre à la Tchécoslovaquie agressée par l'Allemagne et la Hongrie. La même Pologne d'ailleurs fera preuve soixante-dix ans plus tard, d'une sottise identique, à peine libérée de la tutelle russe (*1, elle ira occupée l'Irak : il est des nations qui ne sont pas capables d'assumer leur indépendance. La S.D.N. en qui bien des espérances avaient été placées fait faillite et se montre incapable de régler les conflits. Bref, tout est source de désespoir, on peut craindre d'être faible dans un monde où seule la force se fait entendre et où aucune valeur n'est épargnée toutes leurs représentations ayant failli. De plus, certains anciens poilus comme les générations suivantes se font un problème autour de la notion de courage. Soit qu'ils ressentent le complexe de survivre, soit qu'ils traînent la peur légitime subie dans les tranchées comme une honte, soit encore qu'ils aient la nostalgie de la guerre manquée pour ceux qui ont été planqués ou qui étaient trop jeunes. Ces diverses choses favorisent l'idée de Chef, de sauveur, d'obéissance et de discipline, tout cela au profit des totalitarismes alors que les autres, ceux qui restent démocrates, versent souvent dans le pacifisme.

*1) Je dis russe et non soviétique, comme de Gaulle, ce grand nationaliste qui avait bien compris que le communisme n'était que le nouvel habit des Tsars russes. La chute et le démembrement en-deçà même des frontières de la Russie de l'Empire colonial russe qu'était l'Union Soviétique (cette stupidité qu'est par exemple la Biélo-Russie) l'a bien montré.

 

La guerre de 1914-1918 :

Allemagne :             1 900 000 morts

Russie :                   1 700 000 morts

France :                  1 400 000 morts

Autriche-Hongrie :  1 000 000 morts

Angleterre :               760 000 morts

Total Europe : 8 000 000 de morts, 25 000 000 de blessés. (Chiffres du Dictionnaire Mourre - Bordas ) La grande majorité de ces morts avait entre 18 et 30 ans.

Les chiffres des morts ne tiennent pas compte du grand nombre de blessés morts dans les premières années de l'après guerre des suites de leurs blessures ou des maladies contractées dans les tranchées ou dans les expéditions comme Salonique, en particulier des gazés tandis que des millions d'hommes clopinent sur une jambe, regardent d'un œil - quand ils voient encore - et n'enlacent plus leurs amantes que d'un bras.

 Les dictatures de l'après Versailles, années vingt et trente, en Europe :

- Russie (U.R.S.S.)   .....                               Tsars

                                1917                            Lénine, (La Russie anticipe, chez elle la dictature vient de l'horreur de la guerre et de l'incapacité à la mener mais elle hérite du régime autocratique            

                                                                    des tasrs, monarques incompétents et tyranniques.)

                                1922-1927 *1)             Staline

- Hongrie                  1920                           Horthy

- Italie                       1922 - 1927 *1)          Mussolini

- Bulgarie                  1923 - 1935               Boris III

- Turquie                   1923                          Moustafa Kemal (Ataturk)

- Espagne                  1923 - 1930              Dictature de Primo de Rivera

                                 1936 - 1939              Franco *

- Lituanie                   1926                         Noldemaras

                                 1929                         Smetana

- Pologne                  1926 - 1930              Pilsudski

- Portugal                  1928                         Salazar *

- Yougoslavie            1929                         Alexandre

- Allemagne               1933                         Hitler

- Autriche                  1933                         Dolfuss

                                  1938                        Annexion - Hitler

- Estonie                    1934                         Päts

- Lettonie                   1934                        Ulmanis

- Grèce                      1936                        Metaxas

- Roumanie                1938                        Charles II

                                  1940                        Antonesco

A cette liste ajoutons l'Irlande qui vit sous la botte et la terreur anglaise jusqu'en 1922 et qui, aujourd'hui encore voit une partie de son territoire occupé par une armée coloniale impitoyable, l'Angleterre s'accrochant ridiculement à ce lambeau d'Empire.

 

Bilan accablant, en 1939, 27% seulement de la population européenne vit sous un régime démocratique et 73% sous une dictature. (Chiffres de la population de 1922) Sans la Russie d'Europe les chiffres sont encore de 37,5% pour les démocraties et 62,5% pour les dictatures. Ils sont de 27% démocraties, 28% dictature communiste, 45% dictature fasciste ou assimilable. *2

Les dictateurs sont de l'air du temps en Europe, dictateurs et victimes dans la collections "Nos contemporains vus de près" chez Gallimard.

 

* Une mention particulière pour ces deux dictateurs de la péninsule Ibériques réputés abominables par la Gauche bien pensante. Ils ont peut-être couvert des choses horribles, pour Franco, une répression impitoyable, mais ils combattaient "aussi" un ennemi sans scrupule, abominable - que la même gauche a fréquenté avec délices, qui a massacré les anarchistes dans l'Espagne en lutte alors même qu'ils faisaient face aux fascistes, assassinés dans le dos par les lâches communistes et leur Passionaria sanglante ; ils ont tenu leurs pays à l'abri du second conflit - l'Espagne l'avait déjà été du premier - ; les Juifs n'ont pas été persécutés dans l'Espagne de Franco et il n'a pas à l'image de Staline transformé son pays en camp de concentration dans lequel existait encore des vrais camps ; il a claqué non sans quelque mérite, la porte à Hitler qu'il méprisait. Enfin et cela n'est pas le moins important à mes yeux l'après franquisme s'est très bien passé, la transition s'est faite sans véritables heurts certainement parce qu'elle avait été préparée sous le dictateur. N'oublions jamais que parmi les réfugiés espagnols, sur notre sol, s'étaient glissés des assassins staliniens, traîtres qui prenaient, usurpaient la pose de la victime.

 

*1)    Les dates indiquent respectivement le début de la prise de pouvoir pour la première et la date effective de l'établissement de la dictature pour la seconde, sauf pour l'Espagne, date de début et de fin pour la dictature de Primo de Rivera.

*2) En dehors du fait que l'Allemagne nazie est l'agresseur, on est frappé par une constatation simple : l'alliance démocratie - communisme était "fatale", contenue dans les chiffres, indispensable au rééquilibrage de la positions des deux parties minoritaires du "jeu".

 

 Jean BERNIER : La Percée. (1920)

Ce livre est de ceux qui contribuent à aider à la compréhension du "désarroi" dont il décrit la cause initiale. Il est une introduction pour ceux qui veulent suivre le chemin de l'Europe de 1918 à 1940.

Quel est cet homme dont Drieu demande la présence à son enterrement aux cotés de Malraux et dont il estime que son livre sur la guerre de 14-18 est peut-être le meilleur écrit sur ce sujet ? Un parcours typique que celui de ce rescapé, c'est à dire qui serait atypique à n'importe quelle autre époque. Bernier est l'un de ceux que le massacre a logiquement conduit au pacifisme, dans son cas, après un passage par le communisme et la fréquentation des surréalistes. Il sera un communiste réfractaire ce qui n'empêchera pas que, prisonnier en Allemagne, il flirte avec le Maréchal - celui qui a été économe de vies - sans en approuver les opinions. Aucune trahison là-dedans, peut-être, au contraire, une fidélité, qui doit être suivie pas à pas pour être comprise comme c'est toujours le cas dans les périodes où rien n'est évident. Il faut le dire et le répéter, après la victoire bâclée, bradée de 1918, la trahison des politiques, la médiocrité corrompue de la démocratie, il y a cette horreur qui se lève sur l'Europe et le monde, et qui fait peser une seconde fois sur les épaules de ceux qui sont sortis vivants et souvent mal en point au moins au plan moral et sentimental : la deuxième guerre menée par une Allemagne totalitaire face à une démocratie foireuse et une URSS qui trahit abominablement les espoirs les plus forts. Ce pacifisme qui semble coupable parce qu'il s'exprime devant le nazisme, est, à mes yeux, un peu semblable aux courants anti consommation qui, au nom de l'écologie et des menaces qui pèsent sur le monde actuel en ce début de vingt-et-unième siècle pensent pouvoir sauver le monde en niant ce qui existe : légitime, dérisoire, inefficace.

La Percée me semble dès les premières pages le livre d'un artiste et pourtant celui qui fait le mieux passer en peu de mots les sentiments mêlés des hommes qui partent pour le front. Un style elliptique, très "moderne" comme diraient les imbéciles qui pensent que la modernité existe, qui cohabite avec une phrase parfois ciselée pour servir le sens, un peu comme dans ce cinéma japonais où la vitesse de défilement des images est accélérée pour soutenir une action vive. Des évocations fortes qui ont peut-être un défaut : elles ne sont pleinement accessibles que pour ceux qui sont déjà sensibilisés à ce drame. La lecture de ce livre suppose peut-être la connaissance préalable du sujet pour en apprécier pleinement la force. Cette œuvre a sa place dans cette page, elle concerne la source première du désarroi et par la force des émotions et des sensations qu'elle décrit permet d'appréhender et de comprendre les errements et les combats des rescapés et de leurs successeurs directs.

Le livre s'ouvre sur le départ de la caserne : " Malgré le sac et la sueur de leurs tempes, malgré l'angoisse solennelle de la rupture avec leur vie, les "jeunes" piaffaient. Leur saut dans l'inconnu pourtant les poignait dur. Ils s'appliquaient virilement à imposer silence au sentiment trouble et calculateur qui amollit au cœur de l'homme, animal qui prévoit, la soif d'aventure, conséquence de l'appétit de gloire. Ils s'appliquaient virilement à étouffer l'instinct de conservation ; et la peur, cette peur tardive qui pince dans son dernier balancement le plongeur novice, râlait en eux sous l'étreinte de l'orgueil. " p12 (Edition Agone - 2000) Du jeune bourgeois recruté : " Sa vie tenait dans le sourire des jeunes filles. Sa valeur dans toute satisfaction de vanité, victoires sportives et universitaires. Il n'aimait dans la femme que son orgueil d'être prisé par elle, et l'art, c'était pour lui un rythme de tango. " p14 Trop jeune, il appartient comme les ouvriers aux : " jeunes muscles fraîchement durs au travail des premières paies entières ..." à la génération sacrifiée. Le mouvement du texte est à la hauteur de ce qu'il décrit, quelques mots suffisent pour ces fortes évocations : " Ils avaient eu, vis à vis de la guerre et de ses résultats possibles, l'âme puérile de l'état major général. Aussi ne comprirent-ils pas plus que lui les défaites de Lorraine et de Belgique. " p13 Un texte à la fois sobre et artistique, vaste - il couvre tous les aspects de cette guerre - et concis. " Sous son aspect le moins antipathique, le nationalisme n'est-il pas simplement la sève surabondante des jeunes hommes ignares ? sève canalisée, appliquée comme force, c'est à dire contre quelque chose ou quelqu'un. " p14 Une langue terriblement efficace : " Le romancier fait pleurer le peuple et le calicot peut frémir à la Tosca d'un meilleur cœur que maint dilettante à Pélléas. " p19 et tandis que les hommes de la classe 14 qui monte au front, dorment dans un train, le chapitre se termine : " Le train roulait toujours, charriant à la guerre une nouvelle bouchée d'hommes. " p20. Donner leur plein sens aux mots, y ajoutant même : " Ils allaient lents et lourds, épaules dévalantes et d'un pied sur l'autre la fatigue les hochait. " Ce n'est plus le hochement de tête, mais celui du corps qui passe d'un pied sur l'autre dans le balancement de la fatigue, l'auteur reprend l'image : " Une moitié d'eux mêmes - la droite et puis la gauche, la droite et puis la gauche - jouait alternativement. Quand le coté droit du corps allait de l'avant, le coté gauche pesait dans une immobilité avare. Mais le coté droit, rendu, le réclamait déjà ..." pp 26-27. " De la boue, du village taciturne sans marmaille ni bétail, suintait une misère irrémédiable. La guerre ! C'était ça !" p27. " Vide et vague comme un adolescent triste, il sentait le néant des vingt ans de sa vie. " p27. " Assommé, il ne réalisait surtout aucun rebond. Il n'avait pas encore découvert le don royal fait à l'humanité, la bienheureuse, la maudite faculté d'oubli qui fait que l'homme use du répit le plus mince pour respirer plus fort et croire à l'avenir. " p31. " Ne faut-il pas venger ceux qui ne tombèrent pas "pour la France" mais pour l'entêtement ou l'amour propre imbécile de quelques généraux ou de quelques ministres. " p40. L'arrière et son impossible compréhension, le mensonge du soldat qui l'entretient parce que la vérité est impossible à saisir pour ceux qui ne connaissant pas la réalité ignoble. La scène de la visité du permissionnaire dans la bonne société est dure et résume le fossé entre le soldat oublié, condamné, méconnu et le civil qui continue sa vie. " Ô parents qui portez dans vos cœurs pour la pérennité de vos larmes, les détails de cette maladie qui faucha vos aimés ! Mamans qui vous remémorez toujours les frissons, toutes les plaintes de vos petits morts de telle fièvre ! comment vous putes-vous contenter de ces explications : " Mort au champ d'honneur ", " La France " Comme vous fûtes peu curieux de nos agonies !" p55. " or, Je vous le dis, ces morts ne devaient pas mourir ; la France n'avait que faire de leur trépas. " p56. Et l'auteur reprend sa place par la bouche du narrateur : " Mes amis morts là-bas, m'appellent chaque jour. " id Le style de Jean Bernier est un poème où la mort a remplacé la poésie. " Oh! Cette guerre : la mort de l'attitude, la mort de l'ironie. " p137 " C'est une douce petite pluie fine, silencieuse, molle et serrée, c'est une douce petite pluie fine qui tue l'espoir et les élans. " p157 Voilà qui nous rappelle quelque chose, de postérieur. Après l'enfer imbécile des Hurlus, l'attaque nouvelle est là, la Champagne avec son préambule d'artillerie, l'espoir revient un court moment chez le fantassin, finit pense-t-il les assauts inutiles, inefficaces, condamnés. Hélas, les barbelés sont intacts et il comprend. " Vous sombrez tout de suite, et c'est de nouveau l'horrible et désespérant réveil, la monstrueuse plainte et le froid revenu. Automates de la souffrance, votre moteur a deux cylindres : le froid et le besoin de repos, chacun donne à son tour à des temps toujours plus proches. " p161 Ici, souvent, la beauté de la langue est écrasée par ce qu'elle montre et fait ressentir.

 

Georges BERNANOS : Les Grands Cimetières sous la lune. La grande peur des bien-pensants

Né en 1888, il fait la guerre dans les tranchées. Catholique proche de l'Action Française, cet ancien Camelot du Roi dénoncera violemment dans Les Grands Cimetières sous la lune les exactions commises par "son camp" en Espagne. Ecœuré par l'Europe il n'attendra pas la guerre pour la quitter, en 1938 il embarque avec sa famille pour le Brésil.

 

Marcel AYME : Articles de presse.

Seize ans à la fin de la guerre, Marcel Aymé est de cette génération pour qui la guerre a existé physiquement et qui ne l'a cependant pas connue sous l'uniforme.

 

Robert BRASILLACH : Articles de presse.

Né en 1909, Normalien, Robert Brasillach qui appartient à la génération d'après guerre. Il sera tout de suite fasciste, assumera violemment dans ses écrits ses options et sera fusillé en 1945.

 

 Emmanuel BERL : Lignes de chance.

Né en 1892, Emmanuel Berl fait la guerre de 1914-1918, il est au front durant deux ans. Il est des amis juifs de l'époque philosémite de Drieu la Rochelle avec qui il rédigera les Derniers Jours. Comme Drieu il est en rupture avec la politique de la France de l'après guerre. Il sera pacifiste quand Drieu sera fasciste, mais il collaborera avec Vichy au tout début de l'occupation, il écrira même plusieurs discours du Maréchal Pétain. Emmanuel Berl est un esprit brillant, un analyste pénétrant de son temps et, pamphlétaire, un écrivain doué dont les saillies sont autant de plaisirs de lecture.

Les articles repris dans ce livre ont paru dans différentes revues ou journaux, certains sont repris des derniers Jours que Berl publia avec Drieu la Rochelle. Le sujet principal en est le machinisme, dernière expression du capitalisme industriel. Berl rend la machine responsable de l'assujettissement de l'homme, le capitalisme dans sa version industrielle n'étant que capable de produire, appelant à la consommation, y contraignant un public malléable de tous ses moyens. Communisme ou capitalisme sont à ses yeux sur le même plan, chacun assujetti au même monstre impersonnel, servi par des commis moines. Ces articles sont autant de pamphlets genre dans lequel Emmanuel Berl excelle. On est frappé en le lisant du nombre considérable de notes qui s'appliqueraient encore parfaitement à notre époque, sans qu'il y ait à changer une virgule, même s'il faut reconnaître en toute honnêteté que le contexte dans lequel nous aurions à les lire au présent serait quelque peu différent. Il est clair qu'après la guerre de 1914-1918, la société a évolué plus rapidement encore qu'avant, vers un mode consumériste sans autre but que la consommation pour elle même, sous le coup de fouet de l'énorme production militaire des années de guerre. Ce sont des pages de notes que j'aurais à exploiter pour rendre compte de ce volume de réflexion si riche.

Genève, Moscou ou Rome (puis Berlin), voilà les pôles entre lesquels tout va se jouer. Berl est sensible à l'idée de révolution qui est la volonté de rompre avec le présent, un présent qui déçoit chaque jour un peu plus en ces lendemains de conflit et de massacres. Nostalgie du passé *1), espoir dans l'avenir, que contiennent ces idéologies, que représente-t-elles ?

Après un préambule intéressant sur Goethe, Berl passe à l'examen de la situation des années trente, d'abord au plan des arts. Il y montre une grande nostalgie du XIXème siècle (censé se terminer en 1914.) Les pages concernant la folie de consommation sont encore valables même si la logique industrielle, à l'origine de cette folie consumériste est aujourd'hui dépassée et remplacée par la logique financière, plus abstraite, époque suivante du développement de l'hydre, encore plus stupide que la précédente.

*1) Que signifie cette nostalgie qui, comme toutes les nostalgies, ne tient pas compte des zones d'ombres de la période regrattée, pour le dix neuvième, l'horrible situation des classes défavorisées, des enfants, des femmes, des vieillards (rares il est vrai : on ne vivait pas vieux dans ces classes.) L'Epargne a été pompée par les emprunts de guerre dévalorisés, les emprunts russes dénoncés par Lénine et par la crise financière de 1929, le trésor public est exsangue, l'industrie, l'emploi, sinistrés après la crise de 1929 ; les rêves se sont envolés, celui des revanchards de 1870, la guerre fraiche, belle et rapide, est morte dans la boue des tranchées sous le feu de l'artillerie et des mitrailleuses, la conquête coloniale est terminée, les espoirs socialistes qui se nourrissaient ou qui nourrissaient le combat au bout duquel était un monde meilleur ont pris le sinistre visage du bolchevisme et de la tyrannie asiatique. L'art reflète ce désarroi avec Dada, le surréalisme, l'art abstrait qui fuit l'homme, le cache, le décompose, le recompose méconnaissable. Les hommes ont pris l'habitude de subir et d'espérer dans des chefs, les généraux incapables dont on fait des maréchaux comme le sinistre Joffre, les politiciens comme Clémenceau, le temps des petits pères est revenu, après le Tsar, le Père la Victoire, le petit Père des peuples. On recherche des sauveurs, des chefs - le fascisme se crée sur le modèle bolchevik mêlant nationalisme et socialisme dans un même sursaut d'outre tombe, on recherche également des boucs émissaires, en France démocrates radicaux et francs maçons et surtout, dans toute l'Europe ou presque, les Juifs, traditionnels responsables de tous les maux par l'argent, par la pensée, par la religion, seront la principale cibles, il faut tout foutre en l'air, tout reconstruire, ce qui est la même chose. L'Europe est mûre pour s'abandonner aux nouveaux gourous, Salazar et Franco tiendront leurs pays en dehors du conflit, ils le protégeront du communisme, les autres basculeront dans la folie raciste du pire d'entre eux, le fou absolu : Hitler. Tous seront battus, assureront le triomphe de leur ennemi qui prendra la moitié de l'Europe avant que ses héritiers ne succombent dans la course aux armements et dans l'étreinte économique mortelle des vieilles démocraties, toujours présentes, toujours aussi mauvaises et putassières. La Chine, rescapée qui se porte bien, fera passer le communisme dans le vingt et unième siècle. Deux nouvelles croyances opposées qui se donnent la main, faites de bonnes intentions gratuites et de faux semblants cacheront le mépris profond de l'homme qui ne cesse de gagner du terrain.

 

Ramon FERNANDEZ : L'Homme est-il humain ?

Ramon Fernandez, romancier, un des deux critiques les plus éminents de la N.R.F. d'avant guerre (la vraie) avec Thibaudet, est aujourd'hui tellement non pas oublié, mais occulté en raison de son adhésion au Parti Populaire Français qu'il est impossible de trouver dans les dictionnaires de littérature ou même sur Internet sa date de naissance. L'élection, méritée, de son fils à l'Académie Française changera peut-être quelque chose à cet ostracisme bien dans les mœurs françaises étant entendu qu'il n'y avait que des salauds dans la collaboration, à croire que ce sont les collabos qui ont tondu les femmes ou assassiné les soixante mille morts de la libération. Malheur aux vaincus ! (Depuis ces lignes, Dominique Fernandez, assumant enfin son père, peut-être parce que, maintenant, élu à l'Académie française cela est sans risques, a écrit une biographie de ce dernier, publiée aux éditions Grasset.)

 

Paul NIZAN : Articles de Presse.

Né en 1905, Paul Nizan est adolescent à la fin de la guerre. Normalien, marxiste, il adhère au Parti Communiste qu'il ne quitte que lors de la signature du pacte germano-soviétique. Il est tué sur la plage de Dunkerque où il enterre le manuscrit de son dernier roman qui sera perdu.

 

 Jean PREVOST : La Terre est aux Hommes.

Né en 1901, trop jeune pour la première guerre mondiale, Jean Prévost, romancier, critique, essayiste, sera assassiné en 1944, par les Allemands avec l'appui de la Milice, dans le maquis du Vercors qu'il avait rejoint en 1943. C'est une belle figure de la littérature française, pleine de promesses qui a déjà derrière lui une œuvre suffisante pour qu'il ne soit pas oublié, qui disparaît ainsi dans la tourmente.

Cet essai a été publié en 1936 s'attaque à déterminer la cause des problèmes de l'époque considérés comme des " problèmes de croissance de l'humanité " (titre du premier chapitre). La cause de la crise est, selon Jean Prévost, l'arrêt de l'immigration dans les principaux pays d'accueil, les Etats-Unis au premier chef.

 

GAUCHE - DROITE         NAZISME et FASCISME - COMMUNISME

Je me suis longtemps considérer comme un "homme de gauche", peut-être d'abord parce que fils d'ouvrier et d'ouvrière, ensuite par goût - c'est plus honnête que par opinion - parce que les faibles me semblaient plus dignes d'intérêt que les forts, parce que je pensais que le "progrès" était à gauche ...bref, des raisons qui n'ont rien d'original.

Très tôt j'ai compris que le Communisme avait été une catastrophe pour l'humanité et, surtout, pour des idées de progrès telles que les concevait la "Gauche". Mais quand il s'agissait de comparer les infamies réciproque du nazisme et du communisme, j'inclinais à une nuance forte : le communisme, lui, s'appuyait sur des idées généreuses !

Un jour, je me suis rendu compte que les idées étaient toujours des choix. Que les idées de race qui nous semblent si horribles aujourd'hui, pourraient un jour, devenir la règle et que les idées de classes, pourraient aussi bien devenir horribles, d'ailleurs pour beaucoup elle le sont déjà au point qu'elles ont été abandonnées par presque tous (à tort certainement).

Deux constatations m'ont fait évoluer :

        En fait, ce qui compte, ce n'est pas ces idées, c'est l'usage que l'on en fait.

        Détruire, discréditer par des crimes, une idée généreuse est un autre crime.

Au sujet des races, je ne peux pas, en ce qui me concerne, assimiler tout classement hiérarchique, de droits, de domination, sur un tel critère.

Au sujet des classes, je ne peux pas accepter l'idée d'une classe dominant les autres, fusse le prolétariat. l'idée que ce dernier est une classe privilégiée qui va libérer la société en la guidant, est bien entendu d'une rare stupidité. La réalité de la lutte des classes est celle d'une lutte d'intérêts entre différentes catégories sociales, différentes sortes d'acteurs économiques.

Une nouvelle situation m'a fait reconsidérer la problématique droite - gauche :

    C'est une banalité aujourd'hui que de constater que le véritable clivage ne se fait plus sur cette base face aux grandes options politiques et que l'ancien clivage, ne sert qu'à masquer et entraver le nouveau pour empêcher de poser au plan politique les vrais problèmes (autour de cette abomination sociale, politique et économique : le chaos de la mondialisation.

Alors ! Nazisme contre Communisme : lequel est le meilleur ?

Aucun. Dans l'horreur il n'y a pas de classement et les deux furent horribles, les deux exterminèrent des populations entières sur des critères de race, de classe sociale, d'opinions. Les deux eurent recours à l'assassinat, à la torture, aux camps de la mort, à la déportation incluant les modes de transport qui tuent.

Je dis cela pour les intellectuels qui aujourd'hui encore, pensent que le Communisme, parce qu'il était de gauche, était plus respectable que le nazisme ! Staline mieux que Hitler !

Notre vision, à nous, Français, de ce face à face de l'ignoble, est tronquée par plusieurs choses :

- La France - la "bonne", celle qui a été du coté des vainqueurs, a été alliée aux communistes et à Staline.

- Il y a eu en France un Parti Communiste qui n'a pas semblé si horrible que cela !

- Les partis collaborationnistes ont été ignobles parce que : collaborationnistes, du coté des auteurs de génocides.

Mais la différence n'est due qu'à l'observateur. Pour un sibérien qui subissait Staline, le communisme était pire que le nazisme lointain. Pour un Mongol de Crimée, exterminé avec deux millions de ses compatriotes dans des déplacements de population, le communisme était pire que le nazisme.

Nous jugeons mal ceux qui ont rejoint les nazis, mais les Ukrainiens avaient subis la domination totalitaire, tueuse, des communistes et l'arrivée des nazis chez eux était vécue par beaucoup comme une libération. Ce qui n'empêcha pas lesdits nazis d'exterminer à leur tour une partie de ces populations, suspectes à divers titres.

 

 

 

 

 

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