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LES ŒUVRES : Leurs œuvres

 

 

BOYLESVE CRITIQUE

 

RENE BOYLESVE ou PAGE D'ACCUEIL

 

 

René Boylesve n'a jamais publié ses idées sur le roman sauf dans une courte préface à Madeleine Jeune Femme, la préface écrite pour La marchande de petits pains pour les canards que nous donnons sur ce site ayant été abandonnée par lui. Mais il a écrit quelques critiques à l'époque de l'Hermitage et n'a jamais renoncé, dans ses notes, à ce genre. Certaines notes critiques ont été rassemblées par Gérard-Gailly et publiée en 1962 par la Renaissance du livre. Les notes sur Stendhal avaient déjà été publiées en 1929, au Divan, dans la collection des Notes stendhaliennes et celles concernant Marcel Proust en 1931, au Divan également dans le premier volume de la collection du Souvenir de rené Boylesve.

 

 

STENDHAL 1783-1842

 

" Son originalité véritable consiste à ne rien faire pour la Société. Or nous sommes éminemment au service de la Société. A de rares exceptions près, tous nos farouches indépendants parlent ou voudraient parler au public; conservateurs ou révolutionnaires tiennent au fond le même langage : ils se piquent de toucher l'intérêt commun. "

" Stendhal est, depuis Montaigne, le premier écrivain français qui n'exprime que soit-même ou sa vision désintéressée des hommes. "

Le passage dans lequel Boylesve développe ces idées est très intéressant et montre peut-être les limites de l'influence d'un Hugues Rebell qui, lui, délivre bien un message et ce qui le séparera d'un Gide, plus proche peut-être au niveau de l'observation "désintéressée" mais qui s'engagera souvent.

" Stendhal comme maître, à cause de son horreur de l'emphase, des grands mots. Se souvenir qu'il dit, dans la Vie de Henri Brulard, que son grand-père ne tolérait pas un mot bas. Stendhal s'est accoutumé dès son plus jeune âge à l'expression juste. "

Egalement révélateur des vues sociales de Boylesve la note suivante sur Stendhal : " Son goût pour les " brigands " qu'il avoue au début de l'Abbesse de Castro. Il admire l'individu énergique et en cela il est avec l'âme populaire, ce qui probablement lui fait écrire : " la fibre artiste qui vit toujours dans les basses classes " (C'est lui qui souligne.) Vérité plus profonde qu'il ne l'a pensé peut-être, car il ne les croyait artistes que parce qu'elles aiment l'énergie ou l'individualisme héroïque contre le pouvoir; et elles sont artistes parce qu'elles contiennent l'inépuisable réserve de bons sens et sensibilité à l'état naissant, qui fait inévitablement défaut aux classes supérieures déformées et usées par les conventions. "

 

 

PROUST 1871-1922

 

" La mort de Marcel Proust est le plus grand deuil que nous pouvions avoir à subir, si l'on veut bien prendre en considération ces trois faits : qu'il avait un talent au moins égal aux plus grands; qu'il était en pleine force de production, ayant quelque cinq, dix, vingt ou vingt-cinq ans de moins que nos auteurs justement illustres; enfin que sa renommée venait pour ainsi dire de naître et se trouvait donc encore dans la période de la contestation, dans la période militante, autrement plus active, effervescente et féconde, celle qui permet toutes les espérances. "

" Dans ce roman, développé à la manière de nombreux récits primitifs, l'épisode de l'amour de Swann, fractionné en morceaux peut-être arbitrairement distribués, constitue dès que la mémoire les a assemblés, un des plus beaux romans de passion que la littérature ait produits. Mais là-dessus le prodigue auteur a semé perles et joyaux de toutes sortes! Les fragments principaux sont enchâssés entre cent épisodes de nature différente, qui vous troublent un bon moment, et vous trouble surtout parce qu'aucun d'eux n'étant inférieur tous excitent un intérêt égal. "

 

* Boylesve est mort en 1926, Proust en 1922.

 

ZOLA 1840-1902

 

" Malgré mon peu de goût à juger un homme en quelques pages, je crois qu'il est du devoir de tout écrivain de donner son opinion sur Zola, qui aura joué un grand rôle dans l'histoire de la littérature française, quoi qu'en disent ceux qui le nient ou le renient, et quoi que fassent, contre sa renommée, ceux qui l'encensent en des termes que le temps et la raison, (ennemis de l'hyperbole et qui marchent toujours en se donnant la main,) culbuteront certainement comme des idoles un peu grossières.

Il y a dix ou douze ans, quand je débutais dans les lettres, j'osais parfois dire timidement mon admiration pour Emile Zola. Il ne me contentait pas, certes, mais je trouvais chez lui ce que je cherchais vainement ailleurs : une interprétation poétique du monde.

... Si cet homme fut né avec ce je ne sais quoi de libre dans la cervelle, qui vaut à tant d'écrivain nés Français une si fière allure, il avait le talent qu'il fallait pour construire une vaste épopée. Il l'eut peut-être éclairée. Il eut peut-être regardé plus haut qu'il n'a fait, s'étant volontairement aveuglé avant d'écrire. (Le fameux tableau généalogique des Rougon-Macquart) Il avait le goût du soleil, de la large vie selon la nature, des grands ensembles. Il avait le don d'animer tout. Il avait en lui un brûlant amour des choses. Dans les morceaux d'épopée qu'il a exécutés, on croit quelquefois qu'il va crever l'enveloppe nocturne dont il a fait son ciel à lui. Il va, bondit; il a tant de forces qu'il ne peut rester dans cette prison! Point du tout. Il est né serf, il a voué obéissance à Claude Bernard, il est fidèle et il rampe dans la déjection et dans l'ordure, dans la sacro-sainte Physiologie. Il était dans le cas fréquent de tous ceux que nous voyons renier et bafouer maîtres, religion et doctrine, et qui s'engagent, sans s'en douter, dans la domesticité la plus avilissante, celle de l'opinion, celle d'un public. Ce servage lui permet, en compensation, de nourrir pour la liberté un culte que ne professent pas, d'ordinaire, ceux qui se sentent le cerveau vraiment dégagé. Des gens libres aiment la liberté, ou plus exactement "les libertés", comme disent les anglais qui savent ce que c'est. Zola se prosterne devant le mot, devant l'entité, comme font les français. C'est une religion pour lui. Il veut "enfoncer" la méthode expérimentale "dans les gorges" et est à genoux, avec un instinct religieux fondamental. Il parle de lumière comme un chrétien de la primitive église enfermé dans les geôles romaines. Il croit à un prochain événement miraculeux  qui va lui ouvrir les portes. Dès 1896, il écrivait : "Les problèmes sociaux et divins vont recevoir leur solution un de ces jours. Nous allons voir Dieu, nous allons voir la vérité ..."

" Je crois que l'homme vrai, en lui, c'était l'artiste. C'était l'homme qui n'a éprouvé de joie qu'a écrire, et de volupté qu'a insuffler la vie à des figures telles que l'on en voit dans l'Assommoir. et dans ..."

"... alors qu'il ne fut de façon persistante et logique, qu'une grande brute de poète. Je crois que, pour aucun écrivain au monde, je ne serais tenté d'assembler ces trois termes, qui sont loin de comporter de ma part une irrévérence, mais qui sont les seuls par lesquels je puisse exprimer au contraire la sorte d'admiration toute particulière que m'inspire l'oeuvre de Zola. "

La note sur Zola se termine par : " Le bruit qui, en définitive, est toujours d'essence un peu vulgaire, contient, malgré tout, une secrète vertu. "

De ces deux dernières citations, on peut juger de l'intérêt de Boylesve pour une oeuvre aussi éloignée de ses conceptions et de sa discrétion. Il a très bien ressenti ce qui fait la force de Zola et ce qui lui donne aujourd'hui encore tant de lecteurs : la force d'une sombre poésie, les élans inspirés d'une oeuvre de visionnaire.

 

 

FRANCE 1844-1924

 

" Ce n'est pas un homme qui se moque, ce n'est nullement un ironiste : il pare seulement d'agréable beauté ses affirmations, ce qui prête à l'étonnement, à cause de la rareté du procédé ..."

On pourrait penser que Boylesve quand il cite ces lignes de France connaît le reproche que lui feront Gide et la Petite Dame : manque de mystère et d'angoisse. (Ce qui est une bien courte vue de gens qui cultivaient de petites angoisses, dont on sait l'origine, au détriment des grandes.) "Il y a des heures où tout me surprend, des heures où les choses les plus simples me donnent le frisson du mystère".

" Je résiste à chaque instant à la tentation de citer. Car ouvrir ses livres, c'est éprouver l'impérieux besoin d'en répandre sur tous la séduction inouïe. "

" Hélas! - ou grâce à Dieu! - je suis de ceux chez qui l'admiration pour ces ouvrages est si vive, que j'ai la crainte de ne pouvoir en parler décemment. L'impression qu'ils vous causent est diverse, car ils contiennent un monde, et cependant le résultat des éléments épars que l'on y distingue et dont l'on reçoit le bénéfice compliqué, semble pouvoir se traduire en un mot unique : c'est une volupté. Le terme de volupté est, en effet, le seul par quoi nous puissions rendre ce que jadis on nommait "joie", joie divine, c'est à dire l'exaltation simultanée de l'esprit et des sens, ravissement complet de tout l'homme ainsi approché de Dieu. Le secret de cette volupté : le jeu souple et ordonné de toutes les facultés humaines. "

 

 

LAMARTINE 1790-1869

 

Au sujet de son admiration pour Lamartine, Boylesve explique comment elle est née, le jour où, enfant de huit ans, isolé de toute activité littéraire, poétique, il vu une gravure représentant un chalet presque suisse associé aux mot poète et au nom d'Alphonse de Lamartine. C'est à cette rencontre qu'il attribue son admiration pour Lamartine et il dit : " Seulement, il faut remarquer qu'au moment où le nom de " Lamartine " et le mot " poète " pénétraient en moi au point de me causer ce trouble à la fois physique et moral, je ne savais pas qu'ils relevaient du domaine de l'esthétique, je ne savais pas ce que c'était que l'esthétique, je ne savais rien. D'où provenait le pouvoir de ces mots ?" .... " Et j'arrive, ici, précisément à ce que j'ai l'honneur de soutenir aujourd'hui : c'est que l'oeuvre de Lamartine, eut-elle été différente, elle m'eut plut comme elle le fit. Car elle me plut, non par ce qu'elle était, mais par ce que j'avais d'emblée eu la révélation qu'elle devait être, à savoir sublime et supérieure à tout. " .... " Presque toute nos admirations, lorsqu'elles atteignent l'intensité de la passion, ont été conçues à priori, et déterminées par des motifs extérieurs à l'objet de notre admiration. La passion, dans l'adhésion artistique comme dans l'amour, n'est pas engendrée par la connaissance. C'est un produit, la sécrétion d'un sujet qui adhère à un objet, s'y fixe et le transfigure, sans que le discernement y soit pour rien. ..."

 

 Le symbolisme

"C'était l'heure du symbolisme. Un long commerce avec Montesquieu et Voltaire m'avait mal préparé à prendre part à ce mouvement. Je faisais des nouvelles et des proses que publiait "l'Ermitage". C'était le seul groupe où je fréquentais. Je ne suis jamais sorti. D'un naturel un peu sauvage, j'ai toujours eu la terreur des parlottes, ce qui vous explique que je ne me sois jamais mêlé aux autres groupes ou revues de jeunes, dont la plus importante était Le Mercure de France.

J'écrivais alors beaucoup de vers ; j'étais persuadé que j'étais un poète, et, au surplus, j'imaginais non seulement que le métier de poète était ,un noble métier, mais qu'il était le seul digne d'un véritable écrivain. Pour moi, écrire des romans, c'était commercialiser son talent.

RENE BOYLESVE ou PAGE D'ACCUEIL